TOUT SAVOIR SUR LA POLEMIQUE DU TAMPON
11 000. C’est en moyenne le nombre de tampons qu’une femme utilise au cours de sa vie. A l’heure où la puberté des jeunes adolescentes est de plus en plus précoce, et où la femme est devenue une working mother qui jongle entre obligations familiales et ambitions professionnelles, le tampon apparait comme un allié indispensable. Alors qu’il incarne et symbolise l’émancipation de la gent féminine, il représente pourtant une menace potentielle dans la vie de chacune d’entre nous. Entre augmentation du nombre de femmes victimes du syndrome du choc toxique, composition mystérieuse et normes sanitaires floues ou non respectées ; le tampon reste une énigme irrésolue qui a paradoxalement réussi à conquérir la confiance de millions de femmes depuis son invention.
> Qu’est ce que le syndrome du choc toxique ?
Même si la plupart des femmes a déjà entendu parler du syndrome du choc toxique (SCT) , ces dernières restent peu ou mal informées, et ne sont pas conscientes que les tampons peuvent représenter un danger potentiel. Le SCT est une maladie infectieuse rare qui peut avoir des conséquences notables sur la santé d’une femme. Cette infection peut survenir chez celles qui sont naturellement porteuses du staphylocoque doré, bactérie qui n’est normalement pas dangereuse. En portant un tampon de manière prolongée, une femme porteuse de la bactérie peut mettre sa vie en danger. En effet, de cette façon, le fluide menstruel se retrouve bloqué au niveau du vagin, dans un espace chaud, qui constitue un espace de culture et de prolifération favorable à la bactérie. Cette dernière va ainsi produire une toxine qui va se diffuser dans le sang et qui va progressivement s’attaquer aux organes vitaux tels que les reins, les poumons ou encore le foie. Dans cette optique, une femme atteinte du SCT qui n’est pas rapidement prise en charge risque la mort. On note que le staphylocoque doré est présent chez 30 à 40% des individus, hommes et femmes confondus.
En France, le nombre de femmes victimes du SCT ne cesse de croître, on dénombre effectivement 5 cas en 2004 contre 22 cas en 2014. A titre d’explications, certains spécialistes de la santé pointent du doigt la nature des composants présents dans les tampons, une utilisation excessive de ces derniers ainsi qu’une évolution négative de la flore vaginale, dont notre alimentation serait responsable.
Même si on assiste à une augmentation du nombre de cas de SCT, les médecins parviennent difficilement à détecter une femme qui en souffre, le confondant généralement avec une MST. Après avoir été victime d’un SCT une étude montre que 20% des femmes rentrent chez elles sans savoir ce qu’elles ont eu. Pourtant, le risque de récidive est important, notamment si elles utilisent à nouveau des tampons. Un SCT se caractérise généralement par des douleurs musculaires, des vomissements, des poussées de fièvre ou encore des étourdissements légers. Ces symptômes peuvent se confondre avec ceux de la gastro-entérite, ce qui participe à rendre le diagnostic compliqué à établir pour les médecins. En parallèle, une baisse de la pression artérielle peut se manifester ainsi que des éruptions cutanées similaires à des coups de soleil.
> Le combat face à l’industrie du tampon.
En 1980, les premiers cas de SCT se manifestent outre-Atlantique, où le tampon Rely provoque 600 cas d’infection parmi ses utilisatrices, dont une centaine est décédée. Avant d’être traduit en justice, le fabricant Procter & Gamble se voit donc contraint de retirer son produit du marché. Depuis, les industriels américains sont dans l’obligation d’indiquer sur les paquets, la composition des tampons et le risque potentiel de SCT. En Europe, aucun fabricant n’imprime la composition de ses tampons sur les boîtes, ce qui suscite de nombreuses interrogations. En juin 1999, la Commission Européenne a même laissé les fabricants établir leurs propres règles concernant les normes sanitaires des protections hygiéniques. Même si les tampons ne sont pas directement responsables du SCT, la composition de ces derniers ne semble pas entièrement innocente lors de la contraction de la maladie.
Inaudible et volontairement refoulé, le débat autour du SCT et de la composition des tampons s’impose rapidement dans les médias ainsi que sur les réseaux sociaux, suite à la tragédie subit par le mannequin Lauren Wasser. Le 3 octobre 2012, cette it girl à la carrière prometteuse voit sa vie basculer à cause d’un tampon. Victime du SCT qui créé une gangrène sous son genou droit, les médecins n’ont pas d’autres choix que de lui amputer la jambe droite ainsi que ses doigts de pied gauche. Afin de se battre contre l’industrie du tampon, et au nom des femmes décédées du SCT, Lauren Wasser a décidé de continuer de poser pour différentes marques de vêtements et exibe sa jambe artificielle, pour témoigner du fait qu’un simple tampon peut être mortel. Publiée sur le site Vice, son histoire a été partagée plus de 6 millions de fois et a participé à mobiliser de nombreuses personnes autour du sujet.
Mélanie Doerflinger, étudiante de vingt ans, en est un exemple. Le 29 juin 2015, elle lance une pétition visant à rendre la composition des tampons transparente. Son objectif est alors de mobiliser et d’alerter l’opinion publique et les autorités sanitaires autour du danger que représente le SCT, et surtout d’obtenir des réponses de la part des fabricants ainsi que de la Commission Européenne de Bruxelles qui dans l’ombre, reste complice. Directement visée par la pétition, la marque Tampax répond et affirme que si la composition des tampons n’est pas présente sur les paquets, c’est parce qu’il n’y a tout simplement pas de place. Une telle aberration de la part de l’entreprise ne manqua pas de faire polémique et de renforcer les mobilisations et les contestations. Aujourd’hui, les 260 000 signataires de cette pétition n’ont toujours pas obtenu gain de cause, et la marque reste silencieuse. (disponible ici: https://www.change.org/p/rendre-visible-la- composition-des-tampons-et-serviettes-hygièniques )
Mardi soir dernier, c’est au tour de France 5 de proposer une enquête glaçante et quelque peu anxiogène, intitulée « Tampon, notre ennemi intime ». Ce documentaire s’ouvre in media res avec le témoignage de Margaux et de Justine, victimes du SCT qui ont frôlé la mort; et se poursuit par des révélations sur la composition des tampons, alors qualifiés de « poubelles chimiques ». L’enquête révèle en effet la présence d’une dizaine de substances cancérigènes, telle que le phtalate, perturbateur endocrinien présent notamment dans le Round Up, ainsi que de dioxine, qui est l’un des produits chimiques les plus dangereux du monde selon l’OMS. On apprend aussi que la cellulose des tampons provient non pas du coton, mais des arbres et que les industriels utilisent du chlore afin de la blanchir. Avec ce documentaire, la réalisatrice, Audrey Gloaguen cherche à « pallier un manque cruel d’informations et à évaluer le taux de dangerosité afin d’inciter les autorités à prendre des mesures ». (replay à voir ici)
Même si comme on se plait à le répéter à notre entourage, un drame n’arrive pas qu’aux autres, rien ne sert pourtant de tomber dans la psychose et de céder à la panique. Il faut veiller à garder en tête que le SCT existe et que par conséquent un tampon doit idéalement être remplacé toutes les quatre heures. Aussi, le fait d’éviter les tampons super-absorbants, signalés grâce aux nombre de gouttes dessinées sur les paquets, permet de diminuer les risques d’infection. Enfin, pour les plus réticentes et les moins indulgentes avec le tampon, une alternative existe que beaucoup ont déjà adoptées : la cup menstruelle.
Dans une société où l’hypersexualisation impose à la femme un contrôle parfait de son corps et exige qu’elle soit désirable en permanence, un sujet tel que les menstruations féminines a malheureusement du mal à se faire une place. Le SCT reste aujourd’hui un sujet tabou, autour duquel les informations sur la composition des tampons restent alarmantes.
Article de Maureen Alibert