Toni Tone, « Il faut s’aimer soi-même pour aimer les autres »
Telle une grande sœur qui nous veut du bien, Toni Tone, de son vrai nom Toni Adenlé, distille ses réflexions, ses conseils et ses bons mots en moins de 280 caractères sur la twittosphère.
Incisive, mais toujours bienveillante, la jeune trentenaire a su faire de ses chagrins d’amour une force dont elle tire des leçons de vie qui sont d’utilité publique. Rencontre.
PAUL·E : Connue pour vos tweets viraux sur l’amour et les histoires de cœur, vous êtes désormais créatrice de contenu, conférencière et autrice à succès. Pourquoi avoir choisi de partager une partie de votre intimité sur les réseaux sociaux ?
TONI TONE : Quand j’ai commencé à partager ma vie personnelle sur Twitter, j’étais en pleine rupture amoureuse. J’avais vraiment besoin de me libérer de toutes ces émotions. À l’époque, je n’avais pas forcément envie de me confier à mes proches, car je me considérais comme une personne forte qui pouvait tout supporter, même les épreuves les plus difficiles. Étant l’aînée d’une fratrie de trois enfants et l’amie sur laquelle on peut toujours compter, j’essayais de m’accrocher à cette idée que je pouvais me débrouiller seule, ne voulant surtout pas être un fardeau pour les autres. Je me suis alors tournée vers Twitter pour exprimer tout ce qui me trottait dans la tête. Malgré mon petit nombre d’abonné·es, je me suis rendu compte que beaucoup de gens s’identifiaient à ce que je publiais. Twitter est devenu un véritable journal intime en ligne, où je n’étais plus seule à me dépatouiller avec mes peines de cœur. Ma communauté grandissant, j’ai pris ma parole et mon rôle plus au sérieux en créant un site web.
« L’introspection m’a obligée à me confronter à mes propres parts d’ombre. »
P. : Une évolution professionnelle qui s’est construite par étapes, et qui fait écho à votre propre cheminement personnel et intime. Comment arrive-t-on à se connaître assez bien pour savoir ce qu’on attend vraiment d’une relation amoureuse ?
T.T. : On tente, on échoue, on se relève et on pratique l’introspection ! J’ai personnellement fait beaucoup d’erreurs pour enfin me poser les bonnes questions. «Pourquoi es-tu malheureuse ? Pourquoi te sens-tu toujours seule dans cette relation ? Pourquoi as-tu l’impression que cette personne ne t’apprécie pas à ta juste valeur?» L’introspection m’a obligée à me confronter à mes propres parts d’ombre. Avoir l’exemple de différents types de relations amoureuses m’a également aidée. De ma toute première histoire, que je qualifierais d’assez « Bisounours », à celle de mes parents, mariés depuis plus de trente ans, en passant par mes oncles et tantes, dont certain·es sont marié·es, d’autres divorcé·es, ainsi que mon frère et ma sœur, chacun·e en couple. Ces relations m’ont montré ce qui fonctionnait et ce qui ne fonctionnait pas vraiment – même si faire des comparaisons n’est pas forcément une bonne chose. L’introspection, surtout, est essentielle.
P. : Dans votre livre I Wish I Knew This Earlier: Lessons on Love (2021), vous partagez, par exemple, que votre zone de confort dans votre couple n’était pas saine du tout…
T.T. : En effet, je me sentais souvent déstabilisée par l’absence de chaos. Dans ma vingtaine, j’ai eu une relation assez tumultueuse qui m’a malheureusement fait croire qu’il fallait du chaos pour qu’il y ait de l’amour. J’aimais ajouter du piment dans mon couple avec des disputes qui n’avaient pas lieu d’être. Jusqu’à ce que je mette le doigt sur mes problèmes d’attachement. Je cherchais de l’intimité de manière malsaine en créant du conflit de toute pièce. Attention, les disputes qui ont lieu parce que deux personnes essaient de trouver une solution à un problème auquel elles doivent faire face ont du sens, bien sûr. En revanche, celles destinées à susciter une réaction de l’autre par pur besoin d’affection et de réconfort ne sont pas saines du tout. C’est la raison pour laquelle j’ai commencé à consulter un psy afin de comprendre ce qui n’allait pas, en revenant sur mon enfance et mes relations amoureuses antérieures.
P. : Dans un autre chapitre de votre livre, vous mentionnez l’importance d’être apprécié·e et célébré·e, non seulement en amour, mais aussi dans tous les aspects de sa vie quotidienne. Est-ce aussi un enjeu de santé mentale ?
T.T. : Je pense qu’il est essentiel d’aller là où on est célébré·e, aimé·e, car c’est ce qui nous nourrit et nous fait grandir. Lorsqu’on se réveille le matin dans un environnement où on se sent valorisé·e – et chacun·e devrait se valoriser déjà seul·e –, on a le sentiment de pouvoir conquérir le monde. On se donne à 110 % pour soi-même et pour les autres. C’est plus facile à dire qu’à faire, je le concède. Le plus dur étant d’apprendre à aimer certaines personnes de loin, afin de protéger et de préserver son bien-être personnel et son intimité.
P. : S’il ne faut en effet pas ignorer les fameux « red flags » (ou signaux négatifs), votre analyse sur la séduction reste plus nuancée. Vous invitez volontiers vos lecteur·rices à prêter attention aux «green flags » (ou signaux positifs)! Un petit conseil pour aborder un premier date de la meilleure des manières ?
T.T. : Changer d’approche. J’ai beaucoup d’ami·es qui se rendent à un premier rendez-vous avec pour objectif de déterminer pourquoi la personne n’est pas faite pour elleux. Je pense qu’aborder un premier date avec anxiété est contre-productif. Il est beaucoup plus judicieux de garder l’esprit ouvert et de faire attention à tous les traits de caractère qui en font une personne qui vous correspondrait. Est-elle gentille, respectueuse, curieuse d’en savoir autant sur vous qu’elle en dit sur elle ? Vous sentez-vous en sécurité et à l’aise en sa présence ? Le premier rendez-vous est l’occasion idéale de découvrir l’autre en toute légèreté et décontraction. Les questions et les sujets plus sérieux arriveront par la suite.
Selon moi, le pouvoir de la manifestation consiste à s’affirmer certaines choses à soi-même, afin d’influencer ses propres actions de manière inconsciente.
P. : Rompue à la science de l’Amour, vous parlez aussi volontiers d’argent. Si le lien entre les deux ne saute pas forcément aux yeux, on le découvre en écoutant votre podcast Money Moves, dont le premier épisode porte le titre énigmatique de « Rich Is a State of Mind » (Être riche est un état d’esprit). Pourquoi est-ce important de redéfinir son rapport à l’argent de manière positive ?
T.T. : Permettez-moi d’abord de préciser que certaines personnes, selon l’endroit où iels vivent, ont bien plus facilement accès à l’argent que d’autres. C’est une réalité qu’on ne peut nier. Cependant, mon objectif à travers Money Moves est de replacer l’optimisme au centre de tout, y compris de notre rapport à l’argent. Se dire qu’on mérite de jolies choses, l’accès à des opportunités financières, à de l’argent en somme, devrait être aussi naturel que de se dire qu’on mérite d’être aimé. On doit arrêter de se répéter constamment qu’on sera éternellement fauché·e, qu’avoir de l’argent est totalement hors de portée. Selon moi, le pouvoir de la manifestation consiste à s’affirmer certaines choses à soi-même, afin d’influencer ses propres actions de manière inconsciente. Quand vous croyez que c’est possible d’y arriver, vous ne laissez plus filer les opportunités, vous vous attelez à définir enfin un budget. Et rédiger un business plan ne vous fait plus peur, car vous voyez la lumière au bout du tunnel. C’est fabuleux combien une approche optimiste peut changer la vie.
« Les exemples de leadeuses, de femmes PDG, qui font un boulot extraordinaire et qui s’en sortent aussi bien, sinon mieux, que les hommes ne manquent pas à travers le monde. »
P. : En tant qu’ambassadrice de l’association caritative «Young Women’s Trust » (organisation féministe œuvrant pour la justice économique au Royaume-Uni, ndlr), quels sont, selon vous, les plus grands obstacles à l’équité économique pour toustes? Et comment notre société peut-elle les surmonter ?
T.T. : Le patriarcat! Ce système d’oppression est fondé sur des croyances historiques qui voudraient que les femmes soient des incapables, moins intelligentes que les hommes, trop émotives, inaptes au leadership et aux postes à responsabilité, ou qu’elles soient un fardeau dans la sphère professionnelle parce qu’elles ont des enfants, et j’en passe. Pour que les choses évoluent, il faudrait que le monde change ce regard sur elles. Les exemples de leadeuses, de femmes PDG, qui font un boulot extraordinaire et qui s’en sortent aussi bien, sinon mieux, que les hommes ne manquent pas à travers le monde. Les choses ont fort heureusement évolué depuis le milieu du XXème siècle dans certaines parties du monde. Pourtant, les femmes sont toujours énormément discriminées parce qu’elles portent la vie. Trop souvent, la carrière professionnelle d’une femme est affectée pendant, après, voire même avant une grossesse éventuelle. Ne pas les punir simplement parce qu’elles sont des femmes serait un vrai pas vers l’équité économique.
P. : La série de docu-réalité Highlife (Channel 4), dont vous êtes l’une des personnages principaux·les, montre toute la beauté et la diversité des Britanniques d’ascendance noire et africaine à la télévision. Quel regard portez-vous sur cette expérience, et y aura-t-il une deuxième saison ?
T.T. : (Rires) Je ne sais pas si nous aurons une deuxième saison. Cependant, l’une des raisons pour lesquelles j’ai dit oui à ce projet a été l’opportunité de montrer une famille nucléaire noire à la télévision britannique. Dans la série, on voit ma mère, mon père, mon frère et ma sœur. J’ai voulu mettre un coup de projecteur sur une famille noire où les parents sont mariés depuis longtemps, où le frère et les sœurs sont meilleur·es ami·es, où iels ont des conversations à cœur ouvert, où iels sont très proches et parlent de tout. Je savais que ma structure familiale était quelque chose que les gens gagneraient à voir. Ma famille brise les stéréotypes. Ce fut également très agréable de faire partie d’une série qui met en avant de jeunes noir·es d’origine africaine de tous horizons, qui sont ambitieux·ses et ont du succès dans différents domaines.
« Accueillons le changement à bras ouverts, car nous n’avons qu’une vie. »
P. : Pour conclure, auriez-vous un dernier conseil à donner à nos lecteur·rices qui traversent une période de changement, de transition et d’évolution – au regard du thème de ce numéro qui est « évoluer » ?
T.T. : (Rires) C’est drôle, car je suis en pleine écriture de mon deuxième livre en ce moment. Donc, c’est une petite exclusivité ! L’un des sujets que j’évoque parle justement de ne pas avoir honte de se réinventer. On a toustes tendance à montrer au monde différentes personnalités, ou plutôt différentes facettes de nous-même selon le contexte et la personne qu’on a en face de soi. Cependant, il ne faut pas avoir peur de changer, de devenir la version la plus vraie de qui nous sommes vraiment, indépendamment de ce que les autres peuvent dire ou penser. L’être humain évolue et grandit constamment. Accueillons le changement à bras ouverts, car nous n’avons qu’une vie. Notre bonheur en dépend et influe sur nos relations amoureuses, nos amitiés, notre capacité à atteindre nos objectifs et nos interactions avec les autres. N’ayons pas honte de nous réinventer. Demain n’est pas garanti. Alors, on fonce !
P. : Merci Toni!
Interview menée par PK Douglas, issue de PAUL·E N1 « Evolve ».