SARAH BOUHADDI JAMAIS SUR LA TOUCHE

À l’occasion du lancement des écouteurs sans fil Powerbeats Pro, nous avons rencontré Sarah Bouhaddi. Sacrée meilleure gardienne du monde en 2017, elle occupe les buts de l’Olympique Lyonnais depuis dix ans. Avec sept coupes de France et six Ligues des Champions à son actif, la sportive porte haut les couleurs d’un football féminin hier méprisé, aujourd’hui reconsidéré. À l’instar de ses gestes sur le terrain, ses mots sont précis et affûtés. Rencontre à l’aube de la Coupe du Monde.

Crédit : Marine Toux

Tu as joué en équipe de France des moins de 20ans. Puisqu’il est arrivé très tôt dans ta vie, le football a-t-il été initiatique ?

Il m’a fait grandir. Je suis partie à l’âge de 14 ans de chez mes parents. Je n’ai pas vécu mon adolescence comme tout le monde, car je ne me suis consacrée qu’au foot, et il a fallu que j’évolue toute seule. À Clairefontaine, mon entraîneur m’a inculqué beaucoup de valeurs et le foot m’a appris comment me débrouiller seule, me construire moi-même, ne rien attendre en retour.

Cela fait dix ans que tu es gardienne à l’Olympique Lyonnais. Dans une interview accordée à La Nouvelle République, tu déclares : « J’avais le physique ». C’est-à-dire ?

Il y a une morphologie nécessaire pour faire du sport à haut niveau. Je ne vais pas poser des critères sur la taille, mais si l’on mesure 1m75, on a plus de facilités. Pour réussir, il faut accorder de l’importance à la façon dont tu vis au quotidien. Ton corps est ton premier allié, mais quand tu es gardienne, il faut aussi avoir du mental. Tu n’as personne derrière toi, alors si tu fais une erreur, tu es pointée du doigt direct.

Crois-tu que le poste de gardienne soit encore trop peu considéré ?

C’est possible. Quand tu es gardienne, tu es critiquée : si tu te prends des buts sous la barre, des frappes de loin, on considère que tu as des lacunes sur le plan athlétique. Pour les plus jeunes, ces remarques sont dures. Mais la vision du poste évolue. C’est le cas du foot féminin en général : d’anciens joueurs s’y intéressent et de plus en plus de sponsors investissent pour produire de la pub à nos côtés. Lorsqu’il joue à FIFA, un garçon peut désormais incarner une joueuse [depuis 2016, ndlr] et c’est génial. À l’OL, notre président, Jean-Michel Aulas, croit en la valeur de ce sport. Ce n’est pas juste un business- man, il y consacre beaucoup de temps.

Le traitement médiatique des sportives laisse à penser qu’elles sont trop « masculines » (« guerrières ») ou trop «féminines» («faibles»). Comment défendre l’égalité dans le foot ?

C’est vrai que l’on a tendance à moins s’attarder sur la performance d’une joueuse que sur son physique ou son attitude. Et qu’on nous sort encore en fin de match des phrases du style : « Vous n’êtes pas comme les garçons, vous ne vous roulez pas par terre pendant cinq minutes ! ». Or, la mixité est une bonne chose. À l’OL, il nous est déjà arrivé d’affronter une équipe masculine. Ça permet de s’endurcir et de travailler de manière totalement différente. On se chambre, bien sûr : si tu arrives à faire mieux qu’eux, ça les énerve (Sourire). Mais à l’approche des 20 ans, c’est compliqué de mélanger filles et garçons. Ou bien il faut évoluer au sein d’une structure qui propose des vestiaires séparés.

Le foot est un des rares moments où un homme accepte de pleurer. Pourquoi ? 

Il y a beaucoup de tensions durant une saison entière, voire durant un simple match, quand tu suis les exploits d’une équipe. Quand un homme pleure, il relâche en quelque sorte toute cette tension accumulée. C’est une façon d’exprimer ce qu’il a pu ressentir avant le match.

Pour relâcher la tension, il t’arrive d’écouter de la musique ?

Bien sûr ! Comme l’équipe de France durant la dernière Coupe, on se trimballe une enceinte avec notre propre playlist. Dans le bus, une joueuse propose un son qu’elle souhaiterait entendre et on fait tourner l’enceinte. J’écoute de tout, de Dadju à Céline Dion.

Cette désignation de meilleure gardienne du monde en 2017 par l’IF- FHS (International Federation of Football History and Statistics) reste ta consécration ?

Forcément. En France, on est critiquées quand on fait du foot. Alors cette reconnaissance mondiale est une vraie gratification. J’ai également gagné six Ligues des Champions, c’est magnifique. Ces instants comptent, chacun à leur façon.

Article de Clément Arbrun

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