LE 8 MARS, C’EST AUSSI L’OCCASION DE PRENDRE SON PLAISIR EN MAIN

Pour la Journée internationale des droits des femmes, on parle cul, émancipation et clitoris.

Aujourd’hui, c’est le 8 mars, mais ce n’est pas la Journée de la femme à proprement parler. C’est la Journée internationale des droits des femmes. Vous allez peut-être dire que je chipote, mais en réalité, la différence est essentielle. Car le 8 mars n’a pas été créé pour se faire offrir des roses rouges à moitié décrépites à la caisse du Franprix ni pour choper des réduc’ sur les marques de lessive. Il s’agit d’une journée de lutte, l’occasion de faire le bilan et d’attirer l’attention sur la situation des femmes : les inégalités, les violences, les injustices. 24 heures monopolisées grâce aux suffragettes et aux ouvrières du début du XXe à l’origine, puis aux collectifs et organisations féministes modernes. Un jour à fêter les avancées et les acquis, aussi. Se battre pour qu’il y en ait plus chaque jour, qu’on finisse par obtenir cette p*tain d’égalité hommes-femmes. Sur tous les plans.

Et s’il y a bien un terrain qui demande encore du boulot, c’est le plaisir. Le sexe. L’orgasme. L’extase. Et l’anatomie.

Ce n’est un secret pour personne, le cul sous le prisme masculin domine. Rien que dans le porno, 70 % des consommateurs et consommatrices sont des hommes, donc les films sont réalisés selon ce qui ferait jouir un homme. Pas grand chose niveau cunnilingus ou plaisir de la femme, ni montée du désir pour atteindre l’orgasme féminin. Le “male gaze”, comme disent les anglophones. Dans la vie de tous les jours, si on demande à des passants, tous genres confondus, de dessiner un pénis, aucun soucis, chacun excelle presque en la matière depuis la maternelle. Pour ce qui est du croquis d’une vulve en revanche, ça coince. Le nom lui-même est déjà quasi abstrait. Et on ne parle pas du clitoris. Personnellement, j’ai su que l’organe était davantage qu’un précieux petit bouton en haut de ma vulve (que j’appelais vagin à l’époque) il y a deux ans à peine. Pas par désintérêt, dieu sait si j’en loue la fonction, plutôt par désinformation. Honnêtement, qui parmi vous peut se vanter d’avoir appris à quoi ressemblait un clitoris à l’école ? Qui peut d’ailleurs dire qu’elle a découvert son nom dans un manuel scolaire en classe de SVT, entre la malheureuse dissection de souris et le becbunzen rouillé ? Pas grand monde. Aujourd’hui (en 2019 !), seulement 1 manuel sur 8 contient une description exacte du sexe féminin et donc du clitoris, seul organe humain entièrement dédié au plaisir.

C’est ce manque d’éducation, cet “analphabétisme sexuel”, comme elle l’appelle, que Julia Pietri (Gang du clito, Merci Simone) veut dénoncer et palier. Avec plusieurs médias et personnes d’influence (Jouissance Club, Cyclique, Clitrevolution, Point de Vulve, L’Importante et j’en passe), elle lance It’s Not A Bretzel, une campagne de street-art qui incite chacun et chacune à coller des affiches* représentant un clitoris dans la rue. Des designs ultra-colorés qui attirent l’oeil et surtout questionnent les personnes qui les observent. En slogan : It’s Not An Alien, It’s Not A Legend, It’s Not An Emoji. Tout ça, finalement, pour qu’on se demande ce que ça représente, parce que les chiffres sont alarmants : un quart des jeunes filles de 15 ans ne sait pas qu’elle a un clitoris et 83 % n’a aucune idée qu’il s’agit d’une zone érogène, comme le déplore le Haut conseil à l’Egalité. “Tout le monde a le droit de savoir à quoi ressemble son corps !”, affirme Julia. “It’s Not A Bretzel est une question d’éducation populaire, c’est pourquoi on a aussi démarré une pétition pour interpeller le Ministère de l’éducation, on veut démocratiser le clitoris”. L’organe, et sa puissance aussi. Sur cette mine de plaisir indiscutable, qui mesure environ 12 cm, on compte d’ailleurs 8000 terminaisons nerveuses, contre 5000 sur un pénis.

https://www.instagram.com/p/Bt8eKoxhSF9/

Parenthèse orgasme : il est important de rappeler qu’il n’est jamais vaginal mais toujours clitoridien, car le clitoris entoure le vagin et c’est donc lui qui fait qu’on ressent du plaisir et qu’on jouit lors de la pénétration quelle qu’elle soit. Un fait que Julia Pietri évoque également dans son petit guide de la masturbation, Au bout des doigts, qui veut que chaque femme se réapproprie sa sexualité sans complexe : “Tous les témoignages et sondages autour de la sexualité féminine reflétaient un manque crucial d’informations. Je voulais que les femmes s’expriment pour les femmes, qu’elles reprennent la parole”, explique-t-elle. Prendre le contrôle de son sexe, le connaître, l’appeler par son nom, est avant tout source d’émancipation. Dire vulve, clitoris, vagin, c’est reprendre la révolution du plaisir entamée il y a 40 ans, qui mènera enfin à détruire le tabou insoutenable qui règne autour de la sexualité féminine.

Alors, célébrons aussi ce qui nous fait du bien, ce 8 mars. Allons voir à quoi ressemble notre sexe, masturbons-nous, informons-nous et partageons le mémo avec les femmes et les hommes autour de nous. Surtout, mettons l’accent sur notre jouissance. N’ayons pas peur de dire ce qui nous excite, ce qui nous fait vibrer, sans gêne. Réapproprions-nous notre corps, éradiquons la honte et regagnons le pouvoir. Une bonne fois pour toutes.

*Téléchargez vos affiches It’s Not A Bretzel et apprenez à les coller ici.

Article de Pauline Machado

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