L’AVORTEMENT : UNE QUESTION TOUJOURS EN SUSPENS ?

On pensait que c’était un droit acquis, que le temps des avortements « faits maisons » ou clandestins, à base d’aiguilles à tricoter, était révolu. Pourtant, les États-Unis mettent en péril l’accès à l’avortement légal et sûr, ce qui pourrait signer un retour de ce genre de pratiques dangereuses. Où en est-on aujourd’hui par rapport à l’avortement ? A quel point les femmes dans le monde disposent-elles vraiment de leur corps ?

Chaque année, environ 50 millions d’avortements ont lieu dans le monde. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, de nombreux pays ont légalisé l’Interruption Volontaire de Grossesse. En Europe, l’avortement est légal dans 85% des États membres, en faisant une règle plutôt qu’une exception. Les pays qui le restreignent sont majoritairement en Afrique et en Amérique latine, une vingtaine à peu près l’interdisent complètement, un État de de l’Amérique du Nord le fait désormais.

Crédit: @sainthoax et @charlotteabramow

Entre avancement et régression, le cœur de l’Amérique balance. Légalisé depuis 1973, les règles concernant l’avortement varient cependant grandement d’un état à l’autre, et cette tendance n’a fait que se renforcer ces derniers mois. Dès l’arrivée de Trump au pouvoir, on a vu resurgir la tendance « pro-life » avec d’abord la volonté de fermer le Planned Parenthood, l’équivalent du Planning Familial français, par le biais de coupes budgétaires. Et la semaine dernière, c’est l’Alabama qui a fait passer une des lois les plus restrictives jusqu’ici : 25 hommes ont fait le choix d’interdire aux femmes le droit à l’avortement, même en cas de viol ou d’inceste. Les médecins continuant à pratiquer l’IVG encourent des peines de prison pouvant aller de 10 à 99 ans. Pendant ce temps au Texas, des discussions sont en cours pour une loi qui pourrait criminaliser l’avortement, le rendant passible de la peine de mort, car il serait considéré comme un homicide. L’état de Géorgie, quant à lui, a passé la « Heartbeat Bill » qui interdit l’avortement dès que le rythme cardiaque de l’embryon peut être détecté, c’est-à-dire dès la sixième semaine de grossesse environ – et rares sont les femmes qui s’aperçoivent si tôt qu’elles sont enceintes.

Heureusement, la majorité des États ne sont pas forcément dans cette lignée, rappelons que l’Oregon a été le premier à rendre l’avortement gratuit pour tous ses résidents, les sans-papiers inclus, en 2017 !

Crédit : @samlilenfiel et @haleymika

Ces questions d’actualité ont résonné avec certains films présentés en ce moment au Festival de Cannes. Le documentaire Que Sea Ley (Une loi, vite !) de Juan Solanas fait partie de la sélection Hors Compétition. Il retrace la lutte pour la législation de l’IVG en Argentine ces 14 dernières années, qui n’est toujours pas accessible aux femmes. Les mobilisations avaient atteint leur apogée en 2017 et 2018, le projet de loi avait même été adopté par la Chambre des députés, avant d’être rejeté par le Sénat. Des foulards verts, symbole du combat pour la légalisation de l’avortement en Argentine, ont été brandis dans le cadre du Festival, par des militantes des droits des femmes, l’équipe du film, et certains acteurs présents à la Croisette, notamment Penélope Cruz et Pedro Almodovar. Deux autres films à Cannes abordent le sujet, La femme de mon frère de Monia Chokri et Portrait de la jeune fille en feu réalisé par Céline Sciamma. Tous deux explorent la question de l’avortement, entre choix allant de soi et sororité.

Il est important de se mobiliser pour nos droits, et de promouvoir un autre élément qui va de pair avec l’avortement : l’éducation sexuelle. Il est nécessaire et essentiel de continuer à sensibiliser les jeunes sur les différents moyens de contraception qui existent, leur fonctionnement (hormonal ou pas, prise journalière ou pose annuelle…) afin de faire un choix informé et trouver la méthode qui sera la plus adaptée aux besoins de chacun.e.s.

Article de Inès Huet  

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