JE SUIS PARISIENNE POURTANT LE « MYTHE DE LA PARISIENNE » M’AGACE UN PEU

Moi aussi je mets du rouge à lèvres (beaucoup), moi aussi j’aime les espadrilles compensées et le canal Saint-Martin. Pourtant, l’uniformité qu’on tente de véhiculer à propos du style et du mode de vie de la Parisienne me gêne.

La Parisienne est à la mode. En France et surtout à l’étranger, on décrypte son style faussement négligé (effortless, comme disent les Américains), sa passion pour le rouge à lèvres, les jeans taille haute vintage et les blouses chinées sur Instagram. Selon l’imaginaire collectif, la Parisienne est fine, élégante et a le cheveu qui se noue en un chignon parfait l’air de rien. Le reste du monde envie tellement son allure que des magazines renommés consacrent même des articles à décrypter, étape par étape, comment faire pour lui ressembler. “Ce je ne sais quoi que nous voulons toutes avoir”, écrit InStyle ; “La quintessence du style sans effort”, commente Fashionista ; “Recopiez la mode parisienne cet été”, poursuit Who What Wear. D’accord, voir son gentilé repris à travers le globe comme comble du chic fait plaisir. Mais à condition qu’on en soit.

Car ce que beaucoup de médias, de marques et de bureaux de tendances oublient, c’est que cette version de la Parisienne comme on nous la vend de plus en plus ces dernières saisons – cette liane qui se trimballe en espadrilles à vélo le long du canal Saint-Martin, ou petit-déjeune sur son balcon avec vue sur les toits – n’est en réalité qu’une simple minorité qu’on trouve dans les quartiers branchés de Paris. Et qu’on n’est pas toutes façonnées sur le même moule.

Où est la diversité ?

Niveau mode déjà, on ne dispose pas toujours des moyens ni de l’envie pour miser sur des pièces qui nous coûtent un bras ou s’apparentent à une identité bien précise. On n’est pas forcément grande adepte de fringues d’ailleurs. On cultive d’autres passions, d’autres choses nous animent. On n’est pas obligée de vouer un culte aux meubles vintage, ni de posséder une collection de fleurs séchées sur sa cheminée pour se sentir appartenir à notre propre ville. Certaines d’entre nous préfèrent la boxe au yoga, d’autres les big macs au quinoa. Et encore heureux.

Niveau diversité encore, toutes les Parisiennes ne rentrent pas dans les codes de ce qu’on peut voir sur les réseaux sociaux. Un article de Slate citant Rokhaya Diallo écrivait récemment que la Parisienne ressemblait davantage à Aya Nakamura, reine du R’n’B français, qu’à Inès de la Fressange, mannequin emblématique de chez Chanel. La journaliste dénonçait ainsi l’absence flagrante de femmes noires au sein de cette communauté quasi uniquement blanche, ancrée comme symbole ultime de la Capitale. Alors que Paris est bien “métisse, diverse”, rappelait-elle, et certainement pas uniforme comme le mythe qui entoure ses habitantes le suggère.

Pareil côté silhouette. Contrairement à ce que les milliers de posts publiés sur les réseaux laissent penser, toutes n’ont pas le corps élancé qui colle parfaitement à l’image. Toutes ne peuvent pas enfiler ce que proposent les marques qui commercialisent leur soi-disant style. Certaines de ces nouvelles boutiques digitales ne vont d’ailleurs pas au-delà du 40. Une façon d’habiller seulement les femmes qui correspondent à leur propre idée de ce que devrait être une Parisienne, et d’exclure les autres. Quand on sait que la taille moyenne des Françaises est le 42, il y a de quoi s’indigner – aussi instagrammable soit la griffe. Et critiquer l’obsession pour ce cliché qui ne représente pas l’unanimité, ainsi que la culpabilisation qu’il engendre : celle de ne pas suivre les règles d’un mode de vie qui nous ferait rentrer dans du 34.

Alors bien sûr, on peut aussi ressembler fortement au stéréotype. Moi-même j’aime le rouge à lèvres, les blouses chinées et les fleurs séchées sur la cheminée, j’avoue. J’ai même craqué plusieurs fois chez Rouje (dont une pour la fameuse robe Gabin, qui est devenue l’emblème de la marque signée Jeanne Damas). J’aime bien manger des glaces Berthillon sur l’Île Saint Louis, aller boire des coups au Ground Control, et déguster une bavette au Progrès, rue de Bretagne, l’un des repaires du genre, pendant que je regarde les gens passer. Je porte souvent des chignons et même une frange, c’est dire.

Mais questionner ce mythe ne signifie pas rejeter en bloc ce qu’il représente, au contraire. C’est plutôt rester consciente qu’il ne s’agit pas d’un signe de reconnaissance. La Parisienne n’est pas l’étendard d’un art de vivre devenu produit marketing, elle n’est pas un clone. Elle est multiple, plurielle. Elle évoque une notion de liberté qui se conjugue en fonction de son vécu et de ses envies. Elle est moderne, émancipée, et veut vivre une vie épanouie sans qu’on lui impose une idée précise de l’image qu’elle devrait véhiculer, ou pas, pour obtenir l’écusson tant convoité de « vraie Parisienne ». Surtout, une Parisienne est simplement une femme qui habite à Paris. Et dans cette définition, il y a de bonnes chances pour que toutes se reconnaissent enfin.

Article de Pauline Machado

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