ET SI « INDULGENCE » ÉTAIT LE MOT DE 2020 ?

Ou pourquoi donner le ton dès le début de l’année en misant sur l’auto-compassion.

Chaque pot a son couvercle, chaque pied a sa charentaise et chaque année a son mot. En 2019, le terme « existentiel » a apparemment connu son heure de gloire, et « they », remporté le très prestigieux titre d’expression de la décennie. Un pronom utilisé dans la langue anglaise pour qualifier une personne dont le genre n’est ni défini par le masculin, ni par le féminin – et surtout la preuve de l’ouverture aux discussions nécessaires sur la non-binarité opérée ces derniers temps. Alors s’il paraît logique d’attendre 365 jours pour réfléchir et faire le bilan du vocable qui a compté, qui est ressorti, qui a marqué les esprits, pourquoi ne pas décider en amont de la saveur qu’on aimerait donner aux mois qui suivent ?

Un peu comme on se convainc que l’année dans laquelle on vient d’entrer sera synonyme de réussite sur tous les plans – on se le jure d’ailleurs chaque lendemain de 31 via un post modérément inspiré sur les réseaux sociaux -, on se persuade également de la vivre selon un mot qui nous parle. Un nom qui nous file une dose d’espoir clairement bienvenue en ces temps d’incertitude généralisée (politique, écologie, droit des femmes, il n’y a qu’à choisir). On élit en janvier celui qui définira notre année et on tente le plus possible de se tenir à sa signification. Pourvu qu’il respire la bienveillance, histoire de se relever de la micro déprime post-Noël, où le gavage à base de bûche Picard nous a semblé la seule échappatoire face aux réflexions sexistes de beau-tonton. Et « indulgence » semble tout à fait disposé à nous combler.

Lever le pied sur la culpabilité

D’après le Larousse, indulgence signifie ainsi « Aptitude à excuser, à pardonner les fautes, à ne pas les sanctionner sévèrement ». Rien à voir avec le malencontreux membre par alliance cité plus haut, on l’appliquera plutôt à notre propre personne. A nos actions, à nos choix plus ou moins conscients, et surtout à nos erreurs. Car tout aussi décidée à entreprendre une transformation encouragée par les réseaux sociaux soit-on – « New Year, New Me », peut-on lire à chaque coin de scroll -, il y a de bonnes chances pour qu’on se réveille encore pas mal de fois avec une barre dans le crâne, un sale goût de tequila sans sel dans la bouche et la désagréable impression qu’on aura raconté la mauvaise histoire à la mauvaise personne la veille. Ou couché avec le frère de notre pote, mais c’est une autre histoire. 

On annulera encore une bonne dizaine de dîners en prétextant une migraine, pour finalement rester sous la couette devant Secrets d’histoire. On trouvera encore la bonne réplique cinglante à lancer au harceleur qui nous siffle dans la rue, mais deux jours trop tard. Et on aura encore l’impression de ne pas être assez, physiquement comme cérébralement, de ne pas avoir le cran de prendre des décisions majeures qui signeraient, cette fois-ci, un réel changement dans notre vie, ou de ne pas correspondre à ce que la société attend de nous. On aura encore des défauts, on fera encore ces faux pas rageants. Sauf que cette année, on vivra tout ça sous un nouveau prisme ; celui de l’indulgence. Celui de se dire que ce n’est peut-être pas si grave, après tout.  Qu’il y a sûrement des moyens de rectifier le tir, sans subir une bonne semaine d’insomnie induite par une culpabilisation lancinante. 

Oui, on connaît des loupés parfois catastrophiques. Et très honnêtement, on aimerait souvent planquer sa tête sous le sable douteux du terrain de pétanque de Colonel Fabien plutôt que de faire face à certaines situations. C’est dire. Mais l’important reste qu’on essaie de rattraper ces ratés, et qu’on en accepte les conséquences. Être indulgente, c’est se dire qu’on va forcément merder un jour ou l’autre, mais qu’on évitera de s’auto-flageller pour autant. Déjà parce que c’est complètement contre-productif, et ensuite car le temps qu’on perd à regretter nos erreurs du fond de notre lit pourrait être beaucoup mieux optimisé autrement. Au lieu de se rabaisser, on analyse, on se pardonne rapidement et on agit. Surtout, on cesse de se reprocher de ne pas avoir été la meilleure version de nous-même à un moment donné, et on fait en sorte de la redevenir en douceur. Assumer sans baisser les bras, et sans flinguer son amour propre non plus.

L’indulgence c’est aussi prendre soin de soi, s’écouter. Ne pas entamer de changement brutal dans un quotidien qui nous accompagne depuis des années, mais œuvrer pour une métamorphose en étapes si besoin. Savoir pencher pour l’auto-compassion, aussi. Ce terme chéri par les revues de psycho qui en fin de compte, a de quoi nous séduire. En faisant preuve de compassion pour sa propre personne, on contribue à améliorer la vision qu’on a de nous-même. Résultat : on finit par s’aimer davantage, et donc par être plus à même de réussir ce que l’on entreprendra au long de l’année. Qu’il s’agisse du plan perso ou pro, d’ailleurs. Nouveau boulot, nouvelle relation amoureuse, abandon de celles qui ne nous rendent pas aussi heureuse qu’on le mérite. Une dynamique aux conséquences plus que positives qui pourrait bien transformer notre vie en l’un de ces mantras Instagram que l’on voit traîner depuis le début de l’année, justement. Et que contre toute attente, l’issue fasse taire notre cynisme pour un bon moment.

Article de Pauline Machado


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