Donner la parole et normaliser la cause transgenre 

Aujourd’hui, être une personne transgenre c’est traverser une série d’épreuves pour s’accepter soi et être accepté.e par la société. Des livres d’école où le sujet demeure inexistant, au processus de changement d’identité semé d’embûches en passant par les regards indélicats, le combat semble éternel pour que l’existence des personnes transgenres soit intégrée.

© PAUL·E
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Stella et Scarlett prennent la parole pour décrypter leur expérience et déceler les solutions à notre portée pour enfin se comprendre et se souder.

Transformer le mal-être en bien-être

Stella a 17 ans lorsqu’elle arrête subitement de s’alimenter sans avoir conscience des raisons de son mal-être. Alors que son corps s’affaiblit elle demande de l’aide à son psychologue : « J’ai passé des heures dans son cabinet à lui parler de la vision de mon corps et pourquoi je voulais me détruire », se souvient-elle. Puis Stella réalise qu’elle ne souffre pas physiquement mais psychologiquement, elle affirme que : « Le problème, c’était d’être une femme née dans un corps qui n’était pas le mien ». Elle comprend finalement qu’elle est sujette à de la dysphorie de genre qu’elle définit comme un désaccord psychique avec l’identité de genre qu’on lui a assigné à la naissance. Stella commence progressivement à analyser les différents facteurs de sa souffrance notamment à travers cette dysphorie, le regard des autres et sa propre perception de la femme qu’elle a toujours été. 

À l’issue de sa prise de conscience, une véritable course contre la montre s’engage afin d’être reconnue et perçue en tant que femme dans la société et dans ses propres yeux. Cette course est une véritable bataille contre le suicide. « Il fallait que cela avance vite et que je me sente bien dans mon corps et dans ma tête très rapidement pour ne pas mettre fin à mes jours », explique-t-elle. Une étude du Mental Health Review Journal a révélé que le taux de suicide des personnes transgenres est dix fois supérieur à celui des personnes cisgenre et que plus de 67% des personnes pensent au suicide avant les interventions médicales et 3% après la transition médicale.

Se battre pour être soi 

Selon Scarlett, l’entourage est primordial dans cette situation tout comme la qualité de l’accompagnement des professionnel·les de santé. Car tout au long du processus de transition, de nouveaux obstacles apparaissent, notamment au sein des structures institutionnelles. « Les démarches sont extrêmement longues et discriminatoires » dénonce Stella. Comme l’exemple du bilan psychiatrique pour « prouver » sa transidentité qui n’est plus obligatoire mais qui est encore demandé par certains professionnel·les de santé ou le changement de genre à l’état-civil qui nécessite un passage devant la·le juge au tribunal qui aura le dernier mot sur ce changement d’identité. Lorsque Stella conclut sa transition, elle embrasse une forme de libération tout en réalisant les nouveaux combats qui lui collent à la peau. « Je n’avais pas anticipé faire face à de la misogynie, de la transphobie et du harcèlement » souligne-t-elle.

De son côté, Scarlett s’est armée face à cette violence, en tant que femme noire issue de la communauté LGBTQIA+, elle est sujette à l’intersectionnalité ce qui la pousse davantage à prendre la parole : « Il faut échanger et éduquer autrui dans le but d’annihiler la peur issue de la méconnaissance ». Les deux jeunes femmes distinguent alors deux aspects de leur identité, celui de se présenter au monde en tant que femme et d’être reconnue et respectée en tant que telle mais également de défendre fièrement la communauté transgenre afin qu’elle soit prise au sérieux et qu’elle conserve ses droits. 

© Scarlett
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© Stella

Valoriser la diversité 

Mais, vivre une existence ordinaire n’est pas chose facile. Les personnes transgenres subissent des tentatives de déstabilisation et d’invisibilisation quotidiennes, comme de la curiosité malsaine ou du mégenrage. Scarlett l’explique par un manque de représentation des modèles issue de la communauté LGBTQIA+. Certains médias participent à créer cette confusion, en utilisant les mauvais termes. « Il faut montrer la diversité des profils et expliquer qu’être transgenre n’est pas qu’être un·e travailleur·euse du sexe et d’autres clichés », précise t-elle. Pour Stella, le sujet reste tabou, les portraits de personnes transgenres exposés représentent rarement la réalité de ce qu’elle vit. « Une transition est toujours perçue comme quelque chose de dramatique, contre-nature, comme une mode ou une maladie », déclare-t-elle. Les jeunes femmes souhaiteraient qu’on montre plus de personnes transgenres qui mènent une vie « classique » et qui sont accompli·es. « On attend une meilleure représentation dans les publicités ou dans des postes à haute responsabilité », invective Scarlett.

Concernant la construction des personnes se questionnant sur leur identité de genre, Scarlett et Stella s’accordent sur l’importance d’aborder ces sujets dès le plus jeune âge en prévention du mal-être psychologique dont elles ont conscience. Elles sont convaincues que des interventions en milieu scolaire sont nécessaires, en englobant toutes les formes de discrimination et en normalisant les problématiques liées à la transidentité. « On pourrait mettre à disposition des livres pour garantir l’anonymat des personnes qui s’intéressent au sujet », propose Scarlett.

Finalement, Stella et Scarlett attendent qu’on donne la parole aux personnes concernées plutôt qu’à des personnes cisgenres. Qu’on normalise enfin l’existence de la communauté transgenre, qu’elle trouve sa place dans l’espace public et qu’elle puisse exprimer librement sa diversité de parcours et de réalité.

Article d’Esther Druel

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