CE QUE LES HISTOIRES FOIREUSES ONT DE BÉNÉFIQUE, EN FIN DE COMPTE

On voudrait ne jamais en avoir connues et pourtant, elles pourraient bien avoir quelques avantages non négligeables. La preuve.

Les histoires foireuses, c’est ma grande passion. Tellement que je ne les compte même plus. Ou plutôt, je les évoque avec une certaine nostalgie, non sans fierté de l’expérience et de l’inépuisable source d’inspiration humoristique qu’elles m’ont apportées. Loin de moi l’idée de m’ériger en pro de la rencontre ratée, mais une petite troisième place après Taylor Swift et Britney Spears ne serait pas de refus. Les pertes de temps, les rencards avortés, les lendemains sans réponse et les flirts qu’on aurait mieux fait de ne pas relancer, ont davantage fait partie de mon quotidien pendant une bonne dizaine d’années que tout ce qui s’apparente à la sacro-sainte « relation saine » et à son long fleuve tranquille. Il y en a que j’ai oubliées à la longue, des rencontres, tant l’intérêt démesuré que je leur portais à l’époque était en réalité fondé sur… à peu près rien de concret. Une projection de ce qui aurait pu être qui s’est avérée complètement fantasmée ; l’autre ayant des plans assez différents quant à notre destinée commune (zéro, pour faire court). Il y en a certaines qui marquent, des rencontres. Et qui laissent parfois une petite plaie qui prendra plus de temps à se refermer que les précédentes.

Pourtant, les histoires foireuses ne font pas toujours mal. Et au bout d’un moment, elles font souvent rire. Avec le recul, on réalise non sans sarcasme que celui qui se trompait systématiquement de prénom n’avait pas vraiment de sœur nommée Louise. Et que le suivant qui ne jurait que par ses préceptes de liberté et son ashram en Inde était, finalement, un « gros connard » égocentrique, comme subtilement souligné par Le Gorafi. Surtout, on finit par se dire que toutes ces aventures ne servent peut-être pas uniquement à nous faire douter de nos capacités à, un jour, être heureuse en amour. Au contraire, elles sont aussi là pour que l’on définisse ces trois mots. « Heureuse en amour ». Ce qu’ils signifient, ce qu’ils impliquent, et si on n’est pas en train de les saboter toute seule, comme une grande. Sait-on vraiment ce que l’on cherche où se calque-t-on sur une sorte de schéma universel et codifié de l’épanouissement relationnel ? On a beau se plaindre de ne trouver personne, est-on réellement prête – consciemment ou non – à se lancer dans une histoire qui tienne le coup plus de quinze jours ? Puisque d’après Franklin Roosevelt, rien n’arrive par hasard, les relations pourries aussi, possèdent sûrement un revers bénéfique à leur médaille en plaqué or.

Savoir ce qu’on veut

Il y a quelques années, lors d’une énième conversation avec ma mère sur mes tribulations amoureuses de vingtenaire nourrie à SATC, je l’ai subitement entendu virer de la compassion à l’agacement. « Tu passes ton temps à dire qu’on ne te veut pas. Mais qu’est-ce que tu veux toi, au juste ? », m’a-t-elle lancée, très certainement lasse d’écouter mon éternelle complainte de désespoir sentimental. C’est vrai qu’à force de me demander comment plaire aux autres, j’en avais oublié de m’assurer que les autres me plaisaient d’abord à moi. Et en réfléchissant à mes précédentes histoires, je me rendais compte que peu des protagonistes m’auraient séduite si j’avais pris le temps de creuser le truc avant de m’emballer comme une girouette. Il suffisait que le mec sache jouer vaguement d’un instrument, vote à gauche, ait un brin d’autodérision ou respire pour que je craque. C’est dire si mon filtre de sélection ratissait large. Je devenais complètement obsédée par un détail de sa personnalité qui, en fin de compte, n’était pas si exceptionnel quand on y pense – et occultait les signaux d’alarme évidents. Certes, le violoncelle c’est plutôt stylé. Mais ça ne devrait pas compenser une manie incorrigible de sauter (sur) tout ce qui bouge. Surtout quand la maîtrise du gros violon est aussi approximative que la fidélité du joueur. Soit quasi inexistante.

J’ai commencé à voir la situation autrement, en me disant qu’au lieu de subir ces relations, je devrais en tirer avantage. Plus on écume les situations du genre, plus on se forge une liste de comportements et de qualités indésirables qui nous permettra de faire le tri quant à nos prochains partenaires. Des éléments précis qui nous aideront à réellement identifier la personne avec qui on construira davantage que trois rencards au PMU – et qui voudra aussi nous rendre la pareille. J’ai également réalisé que pour enfin tomber sur quelqu’un qui serait « prêt à s’engager », il fallait que je le sois moi-même. Car aussi convaincue soit-on de son habilité à accueillir une relation saine, il y a de bonnes chances pour qu’on ait, en réalité, faux sur toute la ligne. 

Être prête

Avouons-le, le terme est tellement utilisé par de nombreux hommes comme l’excuse parfaite pour se tirer en beauté, qu’on attribuera plus volontiers le fait d’être « prêt » en amour à la gent masculine. Sans rentrer dans les clichés genrés, mais en parlant après une longue observation de mon entourage, j’ai l’impression que la plupart des femmes se prennent peut-être moins la tête autour du couple. La faute à une éducation ou à une sorte de pression qu’on inculque aux garçons, comme quoi relation = fin de liberté + nécessité d’assurer. Un package de responsabilités qui les pousse à ne s’engager qu’avec « la bonne » et à laisser moins de chances à celles qui n’auraient pas le potentiel requis dès les premiers temps. Pour les filles, ou du moins celles qui gravitent dans mon environnement, ça semble plus simple. On est souvent partante pour tenter le coup, et si ça ne prend pas, il sera toujours temps de nous aussi, nous tirer en beauté. 

Le risque, c’est qu’à force de se convaincre qu’on n’a pas besoin d’introspection pour être « prête », on ait tendance à ne pas se poser la question comme il faut. Le mot n’est pas forcément synonyme d’envie de partager un quotidien avec quelqu’un. On peut vouloir être en couple mais incapable de choisir une personne qui nous correspond, ou d’entamer une relation de manière sereine. Savoir prendre les bonnes décisions, se livrer à quelqu’un qui saura nous épauler, c’est ça aussi être « prête ». Mettre le frein à ses démons, avoir analysé ses petites erreurs, identifié ses schémas problématiques, également. Et c’est seulement en vivant plusieurs histoires, plusieurs ratages et plusieurs victoires qu’on réussira à en tirer ces leçons constructives.

Peut-être que c’est à cela, au fond, que servent ces bribes de romance pas toujours romantiques. A mettre le doigt sur ce que l’on veut, qui l’on veut, à petit à petit élaborer notre propre vision du bonheur amoureux. Et finalement, à le reconnaître quand il passe le pas de la porte. Pour ma part, après une décennie de galères sentimentales soldées par mon jackpot perso, je le dis haut et fort : le jeu en vaut la chandelle.

Article de Pauline Machado

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