Victoria/Tomas, « A Decade of Love », une décennie de mode

À la vie comme au travail, Victoria et Tomas ont fait de l'amour qu'iels se portent le moteur d'un succès qui ne se dément plus 10 ans après. Pour fêter ça, le duo de designers et heureux parents du petit Rain ont rassemblé, pêle-mêle, anecdotes et photos de coulisses de défilés, de préparations de collections, de moments de stress, d'explosions de joie, d'instants intimes, accompagnés de myriade de premières fois dans un livre-témoinage, intitulé "A Decade of Love". L'occasion rêvée de discuter avec ces deux amoureux·ses... de mode et de revenir sur 10 ans d'histoire de leur label à quatre mains, Victoria/Tomas.

© Victoria/Tomas
© Victoria/Tomas

C’est dans leur bel atelier savamment agencé du 19ème arrondissement de Paris que le couple à la vie comme à la mode nous a reçu·es un après-midi d’hiver ensoleillé, peu avant les fêtes de fin d’années. Entre deux portants sur lesquels reposaient des looks de la collections SS23 ayant défilé en septembre dernier, non loin de croquis et de tissus à ne surtout pas filmer pour ne point spoiler la prochaine collection FW23/24 qui sera présentée en mars prochain, Victoria Feldman et Tomas Benzins nous ont tout raconté, ou presque, sur leur rencontre, la genèse de leur marque, les valeurs qui les animent et le secret de leur fructueuse collaboration professionnelle et amoureuse. Entretien.

© Victoria/Tomas
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P. : Comment l’aventure de mode Victoria/Tomas a-t-elle commencé ?

V. T. : On a créé la marque il y a de cela 10 ans, étant très jeunes. Le livre qui vient de sortir, « A Decade of Love », rassemble d’ailleurs les moments les plus importants, les moments-clés de ces 10 ans. On est très fièr·es de notre parcours car on a rencontré plein de gens incroyables tout au long de ces 10 années. Des gens qui nous ont poussé·es. Je pense que c’est comme ça que tout a évolué. Dans le dialogue, non seulement entre nous, tous les deux. Mais aussi avec les gens qui nous entourent, qui travaillent dans le milieu de la mode et les gens qui portent nos vêtements bien sûr.

P. : Pourquoi avoir créé votre propre marque ?

V. T. : C’était notre envie dès le début. Alors qu’on était encore en 2ème année à l’école de mode, on avait déjà envie de lancer notre marque. On avait déjà le nom et le logo. Après les études, Tomas est parti à New York pour travailler chez Alexander Wang et une autre marque lui a proposé de rester et de l’embaucher. Et moi, à Paris, je lui disais, rentre et on lance la marque on fait comme on a prévu. Donc , c’était une idée fixe. Il n’y avait pas d’autre choix. Nous l’avons fait sans règles, sans contacts, sans réfléchir à comment on allait faire. Notre envie était de créer des collections et de les partager.

© Victoria/Tomas
© Victoria/Tomas
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P. : Quelles sont les inspirations de votre dernière collection SS23 ?

V. T. : La collection SS23, comme le livre, s’appelle « A Decade of Love ». Et l’idée, c’était vraiment de partager l’amour qu’on a entre nous et qu’on a envers notre marque. L’inspiration fut donc le cœur, qui est le symbole de l’amour , retravaillé de différentes façons. C’était vraiment le message le plus important et le plus clair : l’amour. J’ai ouvert le show avec notre fils de 6 mois. C’était vraiment quelque chose de familial, d’ensoleillé, de vivant. Nos vêtements transmettent des émotions. C’est la vraie vie, c’est la vie qu’on partage tous les jours.

P. : Quelle place occupent l’éco-responsabilité et la durabilité dans votre travail ?

V. T. : Il y a 2 ans, on a lancé notre concept de vêtements réversibles qui est non seulement un concept très drôle parce qu’on peut switcher d’un style à l’autre en retournant la pièce ; mais aussi foncièrement écologique car on peut acheter qu’une seule pièce et avoir plusieurs looks. Les tissus qu’on se procure, si ce ne sont pas des matières naturelles, ce sont des tissus recyclés. On travaille beaucoup avec des fournisseurs qui ont des stocks service, c’est à dire qu’ils ont déjà les tissus qui sont produits. On ne produit pas spécialement pour nous. Parce qu’assez souvent il y a des minimums de production et les fournisseurs poussent à produire. Par exemple, ils vont vouloir qu’on prenne 500 mètres quand on a uniquement besoin de 400. Donc, nous sommes très strict·es sur cette vision écoresponsable et simple. Et dernier point, on produit tout dans notre propre atelier de production. Donc, il n’y a pas tous ces trajets de tissus, de fournisseurs, pour aller à l’usine, pour sortir, pour les repassages, ou faire les boutonnières, etc. Tout est produit dans un seul endroit de A à Z. L’impact carbone est ainsi beaucoup moins important par rapport à la chaîne classique.

© Victoria/Tomas
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P. : Pourquoi ce partenariat avec Chantelle et leur nouveau label Chantelle X ?

V. T. : C’est non seulement une marque qu’on adore mais ce sont des ami·es. On partage les mêmes valeurs. On a beaucoup aimé, on a adoré même leur nouvelle ligne Chantelle X et c’était juste un match parfait pour notre collection de 10 ans. Cette collaboration a ajouté de la modernité dans l’image qu’on se fait de ce qui est sexy : ce mélange entre des vêtements un peu plus masculins et la lingerie. Je pense que ce fut un beau partenariat d’un point de vue image et commercial : montrer comment tu peux habiller deux extrêmes, une veste avec une brassière ou un pantalon transparent avec une culotte en dentelle. C’est très intéressant au niveau du stylisme aussi. C’est quelque chose que l’on peut se permettre aujourd’hui. Les gens commencent à s’habiller de façon plus libre, plus cool, sans trop réfléchir au regard des autres et à ce qu’iels vont dire. C’est très important en France.

P. : L’invitation à votre défilé SS23 était inspiré d’une pochette d’album sous cellophane. Quelle place occupe la musique dans votre processus créatif ou dans votre vie en général ?

V. T. : Je connais très bien le milieu de la musique et je pense que c’est intéressant de prendre des artistes pour nos défilés, peut-être pas juste pour une performance mais aussi pour marcher avec nos vêtements, si ça matche avec nous. La mode et la musique ont toujours été des frères. La saison prochaine, on va encore collaborer avec des artistes.

© Victoria/Tomas
© Victoria/Tomas

P. : Un album, une chanson, un artiste du moment que vous écoutez en boucle ?

V. T. : Ce qu’on écoute dans nos écouteurs et ce qu’on écoute à l’atelier sont assez différents. À l’atelier, on a beaucoup de jeunes artistes. En 2019, on est tombé·e sur le groupe Minuit qui chantait « Paris tropical » et c’était à l’époque où on créait la collection. Du coup, on les a contactés en disant, est-ce que vous accepteriez de faire un live pendant le défilé car notre collection estninspirée par Paris sous 35°c. C’était l’été. C’était une superbe idée. C’est quelque chose de très naturel qui se fait d’une saison à l’autre. Ça peut se faire même 3 semaines avant le show si c’est vraiment le dernier morceau de puzzle qui nous manquait. Avec Louane, c’était un peu pareil. On l’avait invitée à notre défilé au mois de septembre et au mois de mars je lui ai envoyé un message en disant, est-ce que tu peux défiler pour nous ? Elle était un peu choquée parce qu’elle n’avait jamais fait ça. Je lui ai dit que cela pouvait être une expérience incroyable, si elle se sentait de le faire. Nous avons vécu ce moment ensemble. C’était, je pense, iconique pour toutes les deux.

P. : Quel est le secret de 10 ans de collaboration en couple ?

V. T. : C’est un secret ! (Rires) Non. En fait, il n’y a pas de secret. S’il y a un feeling et que vous pouvez travailler ensemble, alors faite-le. Je ne dis pas que c’est toujours facile. Que Tomas commence la phrase et je la termine. C’est pas du tout comme ça tous les jours. Il y a des jours où on n’a pas la même vision, où on ne s’entend pas. Mais, ça fait partie du procès créatif. Et après c’est le respect mutuel qu’on se porte tous les jours. Il faut toujours trouver un compromis dans la relation.

© Axle Jozeph pour Victoria/Tomas
© Axle Jozeph pour Victoria/Tomas
© Victoria/Tomas
© Victoria/Tomas

P. : Quels sont vos projets en cours et à quoi ressemble l’avenir de Victoria/Tomas ?

V. T. : On a beaucoup de projets en cours. Il y a quelques années, on a commencé à faire un peu plus de choses à part des vêtements. Il y a eu les bougies. On a sorti le livre. On a fait les coussins. On fait pas mal de collaborations avec d’autres marques qui travaillent dans le milieu de la mode. Mais pas uniquement. Pour nous c’est un peu plus global. On adore la musique, l’architecture d’intérieure et manger ! On aime manger aussi. C’est important. Il n’y a pas de limites à notre créativité. C’est très dur de dire où est-ce qu’on se voit dans 10 ans parce que si on m’avait posé la même question en septembre 2012, j’aurais jamais pensé qu’on pourrait être là, avec tout le chemin qu’on a fait. Et je pense que c’est ça le plus intéressant dans la vie, de ne pas se dire, moi je veux être là et je veux travailler que dans cette direction parce que je dois arriver à ce point. Le plus important c’est de faire ce qu’on aime. Let it go. Et être entouré·es par les bonn·es ami·es dans l’industrie, les gens qui t’aiment. Je pense que c’est le plus important.

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