Tétier Bijoux, à fleur de peau

Il est presque frustrant d’admirer les bijoux aux formes organiques de Florence Tétier sur papier glacé, tant on a envie de toucher ces fleurs nacrées aux mouvements uniques. Hauts en couleur, les accessoires imaginés par la créatrice française sont le remède idéal contre le retour du minimalisme.

© Nicolas Coulomb

Les créations de Florence Tétier semblent venir d’une autre dimension. À la fois romantiques, florales et aquatiques, leurs formes et leurs dimensions paraissent irréelles. Une identité unique qui n’est en rien une surprise venant de celle qui occupe aujourd’hui le poste de directrice de la création chez Jean-Paul Gaultier, après des années passées à conseiller de nombreuses marques de mode. 

© Nicolas Coulomb
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Une ode à la color therapy

C’était l’événement de l’été 2023. Barbie et sa vague rose bonbon ont déferlé sur nos écrans. Aux quatre coins du globe, des millions de spectateur·rices vêtu·es de rose de la tête aux pieds se sont pressé·es dans les salles obscures . Comme le signe que la gaieté était enfin de retour dans nos dressings et que nous avions enfin le droit de porter du rose. Cette couleur bien souvent méprisée et rejetée, car jugée trop enfantine par un regard frôlant la misogynie. C’est dans ce raz-de-marée de couleurs que Tétier Bijoux a trouvé sa place. Bien que la marque de bijoux fantaisie faits main ait vu le jour en 2018, elle semble trouver un écho particulier au cœur d’une année où le maximalisme et les couleurs sont de retour sur le devant de la scène. Du rose à l’orangé en passant par le vert, sans oublier le bleu : l’arc-en-ciel est représenté dans son intégralité dans des bijoux aux formes organiques et travaillées. Chez Tétier Bijoux, pas question de faire dans la sobriété. Il s’agit plutôt de surenchérir dans la beauté. 

© Nicolas Coulomb
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Le maximalisme, à la mode

Il y a quelque chose de presque magique dans les bijoux imaginés par la créatrice Florence Tétier, qui donne son nom à la marque. Diplômée en graphisme, elle est une incorrigible touche-à-tout, jonglant entre son magazine Novembre, sa marque de bijoux, et son poste de directrice de la création chez Jean-Paul Gaultier, qu’elle occupe depuis le départ du créateur du même nom. En effet, c’est à elle qu’on doit les impressionnantes collaborations avec les nouveaux enfants terribles de la mode, à l’instar de Glenn Martens (fondateur de Y/J Project et directeur artistique de Diesel depuis 2021), comme avec le pilier de la Maison Balmain, Olivier Rousteing. C’est simple : le flair, elle l’a. Et pourtant, rien ne l’y prédestinait. 

C’est en banlieue parisienne que Florence Tétier grandit, au sein d’une famille de la classe moyenne supérieure, où personne ne travaille dans la mode. Pourtant, c’est bien sa mère qui la pousse à poursuivre des études de graphisme, après un déménagement en Suisse. La jeune Florence s’inscrit donc à l’École cantonale d’art de Lausanne, où elle suit une formation d’art et de design. En sortant de l’école, elle co-fonde à 23 ans Novembre, un magazine indépendant où elle met toutes ses économies. Grâce à ce support, elle peut exercer une liberté éditoriale inédite, en décelant de jeunes talents pour les mettre en lien avec des personnalités créatives déjà établies. Un avant-goût de ce que sera plus tard son travail chez Jean-Paul Gaultier.

Parallèlement, elle tient le rôle de consultante pour plusieurs marques et se familiarise, petit à petit, avec l’univers du textile. Femme aux multiples casquettes, elle en vient même à enseigner à la Haute école d’art et de design de Genève, avant d’être appelée en 2021, par la maison Jean-Paul Gaultier. Ou plus précisément, contactée sur Instagram. Le but derrière cette manœuvre aussi audacieuse que payante ? Donner un nouveau souffle à la marque après le départ de Monsieur Gaultier, afin de séduire un public plus jeune. Deux ans plus tard, le pari semble réussi : les nombreuses collaborations de la marque ont permis de créer un pont avec une nouvelle génération de créateur·rices, leur permettant de réimaginer la fibre Gaultier, en accord avec leurs sensibilités et leurs cultures. 

© Nicolas Coulomb
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Le duo des fleurs

C’est dans ce joyeux méli-mélo que Tétier Bijoux voit le jour, imaginé par une femme qui ne peut s’empêcher de vivre mille et une vies. Celle qui compte parmi ses influences Vivienne Westwood, Courtney Love et Virginie Despentes ne pouvait mener qu’une existence d’aventures. C’est peut-être ainsi qu’il faudrait définir Tétier Bijoux, comme une aventure accidentelle. Au début, il s’agissait bien de cela : un accident. Florence Tétier, directrice artistique d’une marque de bijoux qui s’apprête à naître, se retrouve également créatrice, lorsque celle qui devait fabriquer les bijoux quitte le navire. Ni une, ni deux, elle doit tout apprendre par elle-même et s’attelle à la tâche dans le jardin de ses beaux-parents. Autodidacte jusqu’au bout, elle s’en tire à merveille. Cinq ans après sa fondation, la marque peut s’enorgueillir de plusieurs collaborations, comme avec les sneakers Asics, ou bien La Manso, autre marque de bijoux fantaisie éthique fondée par Adriana Manso à Barcelone. 

La collaboration récente entre La Manso et Tétier Bijoux n’a rien d’étonnant. Les deux marques partagent beaucoup. À commencer par leur succès auprès des célébrités les plus suivies de la planète. On peut retrouver les bagues La Manso aux doigts de Bella Hadid, Miley Cyrus ou encore Rosalía, tandis que Kali Uchis et Nathy Peluso ont été vues arborant des accessoires Tétier Bijoux. Mais la ressemblance ne s’arrête pas en si bon chemin. C’est celle d’une vision commune du bijou fantaisie. Une vision éthique et fun, décomplexée et haute en couleurs. La Manso voit le jour en 2019, soit à peine un an après Tétier Bijoux. Les deux femmes collaborent une première fois à l’occasion de la collection “Cyber” de Jean-Paul Gaultier, fin 2022. Plus tard, c’est dans les ateliers d’Adriana Manso, à Barcelone, que la rencontre entre les bagues carrées en plastique récupéré et les obsessions fleuries de Florence Tétier prend vie, une nouvelle fois. Cette collection de 26 pièces est ainsi présentée au monde au printemps 2023 à l’occasion d’une immense fête remplie de fleurs gonflables et d’un nœud rose géant. 

Si l’on regarde de plus près ses créations hors collaboration, les bijoux de Florence Tétier semblent déborder de romantisme. Ils sont comme le moyen pour leur créatrice d’exprimer sa vraie personnalité à travers le bricolage. Une passion cultivée dès son enfance passée à écumer les brocantes et les boutiques Emmaüs à la recherche de quelques pépites et vieux objets, pour leur donner une seconde vie. La marque s’inscrit ainsi dans une démarche à la fois créative, esthétique et politique. Toutes les pièces, faites à la main à Paris, sont uniques. Les motifs floraux servent à appuyer une démarche engagée de préservation de l’environnement, à l’aide du recyclage et de l’upcycling. La preuve ultime que le faste, le maximalisme et la magnificence, ont encore tout à fait leur place dans une mode qui se veut plus consciente du monde qui l’entoure. 

Article de Lolita Mang publié dans PAUL.E BOLD FW24. 

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