Retour sur la Fashion Week de Paris Automne-Hiver 23-24 en 5 tendances fortes

Après un mois de mode internationale clôturée par la Fashion Week de Paris, revenons sur les tendances majeures qui ont émergé des défilés ayant eu lieu aux quatre coins de la capitale.

Si l’adage veut qu’en avril on ne se découvre pas d’un fil, les tendances pour la saison Automne-Hiver 23-24 font néanmoins la part belle au corps, qu’on révèle, qu’on dénude, voire qu’on sublime. Pourtant, force est de constater qu’un corps en chair peut cacher une forêt de silhouettes filiformes, laissant penser que le glas du body-positivisme et de la diversité n’est peut-être pas loin d’être sonné. Au-delà d’une liste plus ou moins exhaustive des must-haves de la saison hivernale prochaine, et si nous nous intéressions aux valeurs, aux évolutions et autres changements sociétaux — manifestes ou embryonnaires — que reflètent le vestiaire proposé par les maisons de mode qui donnent le la ?

Growncore

À ne surtout pas confondre avec les vidéos intitulées GRWM qui pullulent sur les réseaux sociaux (pour « Get Ready With Me », ou « Habille-toi avec moi », en français), la tendance Growncore a infiltré le catwalk, reflétant un retour vers un minimalisme professionnel, élevé et « expensive » (onéreux, en français), bien loin de la tendance Normcore, adoubé par les teenagers et les jeunes adultes. Ici, les matières sont nobles, les coupes élégantes, l’absence de logo est intentionnelle et revendiquée, afin de signaler aux connaisseur·ses — aux happy few — un changement de statut socio-économique. On passe du·de la jeune adulte à l’adulte en arborant de grands manteaux longs en laine de qualité, des vestes à épaules larges, voire carré, des robes aux dimensions théâtrales qui allongent la silhouette, pour se donner du charisme, si jamais on en manquait. Le tailoring est précis. Les détails sont travaillés, avec parfois un jeu sur les ouvertures et les découpes. La maille est élégante et artisanale. Le look est vaguement 80ies, mais avec du gout cette fois. Comme chez Dice Kayek, Gauchère, Auréalage, Nehera, Isabelle Marant, Paul Smith ou Mame Kurokouchi.

Diversitywear ou Diversity, where?

Si les tendances mode se démodent aussi vite qu’elles apparaissent, l’inclusivité et la diversité des corps auront connu un éclat de météore — extrêmement furtif et bientôt lointain — à l’instar de nos résolutions sans lendemain, quand il s’était agi de ralentir le rythme effréné de nos vies, post-Covid. À en croire les chiffres de médias spécialisés qui ont décompté, minutieusement, looks après looks, le taux de silhouettes dites plus size sur le catwalk parisien, les calculs ne sont pas très bons, notamment comparés aux années précédentes. Même si d’autres capitales européennes font carrément pire, l’effort, que dis-je, le retour au réel et au bon sens devrait être collectif. Pourtant, seules quelques marques font office de phare dans la nuit. À commencer par Ester Manas, le label franco-belge qui ne cesse de grandir et d’imposer sa vision, à savoir sublimer toutes les femmes, dans la magnificence de leurs rondeurs. Notons que Dior, Chanel, Alexander McQueen, Nina Ricci et Vivienne Westwood ont fait défiler des mannequins dits plus size et mid-size avec pour motivation de diversifier leur proposition, et peut-être permettre à leurs clientes de se voir en miroir directement sur le runway, sans passer par la case altération extrême.

Non aux apparences, oui à la transparence

Physique, mais également émotionnelle, l’envie de transparence, d’honnêteté et d’authenticité se fait ressentir à travers des collections aux silhouettes sensuelles, confectionnées à l’aide de matières fluides et caressantes, comme une seconde peau. Chez Givenchy, Loewe, Victoria Beckham, GmbH, Victoria Tomas ou Didu, le satin, la soie et la résille effleurent les corps, révélant ici et là une épaule, un décolleté ou une cambrure. Au show Miu Miu, ce sont les culottes incrustées de cristaux et de strass qu’on ne saurait cacher sous une lourde toile. À l’heure où l’on aspire toustes à moins de faux-semblants — afin d’arrêter de se comparer à des modèles inatteignables, générés grâce à des filtres, le vestiaire de l’Automne-Hiver 23-24 donne à voir ce qui est traditionnellement caché, comme pour se mettre fièrement à nu et ne plus rougir de ce que l’on est. Dans la droite lignée de cette mouvance, l’émergence d’application comme BeReal ou encore le vote d’une loi interdisant aux influenceur·ses de publier des photos avec filtre sans le mentionner explicitement laissent présager un avenir plus transparent.

La fureur du phygital

Comme la nature a horreur du vide et que nous vivons dans une ère régie par le paradoxe, la technologie n’a de cesse d’évoluer et de s’immiscer au plus près de nos vies, sous couvert d’offrir des solutions novatrices afin de les rendre plus agréable. De ce un monde où le numérique et le physique se mêlent de plus en plus, émerge un nouvel espace appelé « phygital », où les expériences les plus percutantes prennent forme. Rompue à l’exercice, la marque Coperni a encore marqué les esprits lors de son défilé parisien, en faisant interagir robots chiens et mannequins dans une réinterprétation de la fable de Jean de La Fontaine (inspirée par Ésope), « Le loup et l’agneau ». Chez Anréalage, les clameurs enthousiastes ont ponctué chaque articulation des lumières bleues qui révélaient les couleurs chatoyantes des vêtements d’un blanc virginal à leur arrivée sur scène. Cette prouesse fut rendue possible grâce aux tissus photosensibles développés par Kunihiko Morinaga, le designer de la marque, anciennement chez Fendi. Une fenêtre ouverte vers un futur où l’on pourra changer sa garde-robe à l’infini ?

Future Nostalgia

Les périodes d’incertitude et de crise étant propice au retour vers les valeurs refuge, la semaine de la mode parisienne n’a pas manqué d’exemple de marques qui se sont replongées dans leur héritage et leurs archives. La maison Dior par Maria Grazia Chiuri a mis à l’honneur Catherine Dior, Édith Piaf et Juliette Gréco en présentant une collection inspirée des années 1950, tandis que Balmain par Olivier Rousteing a opté pour une présentation intimiste, évoquant la sophistication et le glamour de la haute couture française d’antan. Louis Vuitton par Nicolas Ghesquière a également fouillé dans ses racines françaises pour présenter une collection perlée de tenues féminines, sublimée par une palette de couleurs neutres. Le label Pressiat quant à lui a offert une vision provocante de la figure de la Parisienne, tandis que Saint Laurent a ressuscité l’essence du style classique d’Yves Saint Laurent, avec ses ligne effortless imprégnées d’une élégante nonchalance, ses teintes sombres et neutres, et beaucoup de looks noirs.

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