Retour sur 080 Barcelona, la fashion week espagnole piquante et inspirante

Moins connue que ses grandes sœurs européennes de Paris, Milan, ou Londres, la fashion week de Barcelone ne fait pourtant pas grise mine en matière de propositions vestimentaires aussi inclusives qu’éco-conscientes, aussi inventives que solaires.

© 080 Barcelona
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C’est dans le sublime écrin du plus grand complexe moderniste du monde, le Recinto Modernista de Sant Pau, que fut donné le coup d’envoi de 080 Barcelona, édition 2022. 4 jours entièrement dédiés à la créativité, pendant lesquels ont défilé pêle-mêle jeune création prometteuse et labels confirmés à la réputation internationale. L’été « indien » barcelonais aidant, la température est vite montée sur le catwalk tant l’excitation était palpable à chaque sortie de mannequins. Petit tour d’horizon en 5 coups de cœur.

© 080 Barcelona
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L’Odyssée d’Amlul

La collection intitulée « Sunset to Sunrise » signée Gala González, fondatrice et directrice artistique de la marque Amlul a défilé en guise d’hommage à la mélancolie qui nous enveloppe quand on a le mal du pays, quand l’envie irrépressible du retour à sa terre natale se fait sentir et quand seuls les moments passés dans un cocon intime et familier auprès des siens comptent. Drapé.es dans des pièces à la fois nouvelles et intemporelles, l’esprit et le corps se rassérènent et le pas devient plus ancré, plus aligné. Du haut de ses 15 ans d’expérience dans le milieu de la mode, la designer espagnole a pensé un vestiaire responsable, made in Spain, 100% durable et parfaitement versatile, du crépuscule au soleil couchant, tout en ne lésinant point sur le sex-appeal, avec plusieurs robes cigares, caressant parfaitement le corps et mettant en valeur les courbes. Toutes les courbes.

Le monde à l’envers d’Enaut

En lieu et place des notes de défilé s’attardant sur sa collection intitulée « Under », la marque Enaut a préféré rappeler une réalité importante et glaçante. 93% du CO2 produit dans le monde sont stockés par l’océan. Perdre seulement 1 % de cet écosystème fragile reviendrait à rejeter les émissions de 97 millions de voitures dans l’air. Pourtant, le chalutage de fond, technique de pêche extrêmement destructrice et souvent comparée à la coupe à blanc en foresterie, reste autorisé par de nombreux pays. Comparer à la surexploitation de la forêt amazonienne qui voit disparaître 10 millions d’hectares de forêt chaque année (ce qui équivaut à 27 terrains de football par minute), le chalut de fond ravage environ 1500 millions d’hectares d’écosystèmes marins par an. C’est comme perdre 4316 terrains de football chaque minute. Une aberration que met en lumière le jeune label Enaut avec un vestiaire en hommage au rôle essentiel que joue le corail en matière de purification de l’air que l’on respire tous et toutes.

Les réunions de famille chez Habey Club

Inspiré par les réunions de famille où tout est possible, le duo créatif à la tête du label Habey Club, David Salvador et Javier Zunzunegui, a imaginé une collection mouvante, qui évolue au fil des passages. De vêtements parfaitement repassés et soignés, on arrive à des pièces sur lesquelles agit le temps qui passe, se lisent les velléités de la vie et les cicatrices qui marquent à jamais. Un vestiaire émotif, entre hyper réalisme et poésie, qui s’intègre parfaitement aux deux piliers de la marque : la durabilité et l’artisanat. « Nous avons voulu refléter la diversité des vêtements et des protagonistes qui les portent à travers différentes finitions et différents tissus : grossiers ou rugueux, satin ou organza transparent. Nous avons également ajouté différentes longueurs et encolures, ainsi qu’un ajout de tissus de costume classiques sur des trenchs avec manches décontractées en maille côtelée », explique Javier Zunzunegui. Les déchirures qui reflètent l’exaltation des sentiments sont mises en évidence au moyen de broderies de cristal sur différents types de tricots ou sur des tissus plus rigides, comme le denim. David Salvador souligne en guise de conclusion : « nos vêtements ont une âme, ont un esprit, empruntés à leur propriétaire… ou vice versa ».

L’Iliade subaquatique de Martin Across

Lové quelque part entre souvenirs d’enfance, paysages andins de son Équateur natal, l’air salé des côtes espagnoles et les couleurs changeantes qui peuplent les portes du royaume de Morphée, le génie voyageur de Martín Across a confectionné une collection qui appelle au voyage, à l’exploration constante et à l’accumulation d’objets à la frontière entre imagination et prouesses technologiques. Ses créations inspirées par les sédiments, les couches terrestres et les minéraux sont destinées à être des compagnons de route pratiques, versatiles et excentriques. Chaque pièce est fabriquée à la main en Équateur avec des matériaux locaux, afin de redéfinir la façon dont nous produisons et consommons nos vêtements, dans l’espoir de nous réconcilier avec notre belle planète.

La possibilité de (re)naître par Tiscar Espadas

Last but not least… L’étrange poésie surréaliste de la collection intitulée « Chapitre 4, Acte 1 » signée Tiscar Espadas a marqué les esprits dès le premier jour de la 080 Barcelona Fashion Week ! Oscillant au rythme de l’encensoir qui a ouvert le défilé, les silhouettes qui ont pris forme sur le catwalk n’étaient ni vraiment pour l’été, ni vraiment pour l’hiver, vraisemblablement pleinement pour les deux, à la frontière entre masculin et féminin, ou autrement dit destinées à habiller tous les humains quel·les qu’iels soient. Rappelant ainsi le passé mais tout aussi ouvert sur l’avenir…en transit permanent. De l’aveu de la designer, ce vestiaire a été pensé comme un pont, une connexion, un lien entre des éléments autrement distants… qui pose au public la question suivante : « Que/Qui veux-tu être ? » Ces vêtements, d’un surréalisme suranné dans leur construction parfois, proposent ainsi la possibilité de construire et d’investir son propre caractère. De fantasmer sans entraves et de laisser libre cours à ses désirs, afin de savoir enfin qui nous sommes vraiment. Tout devient possible quand on se libère.

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