Repenser la(les) masculinité(s), en conversation avec Kelegh Moutome et Laro Seresse 

Acteurs et mannequins à la personnalité forte et au style créatif, Kelegh et Laro déconstruisent l’idée d’une masculinité monolithique.

Frères de sang et fashionistos de coeur, ces deux artistes perçoivent la mode comme un véritable tremplin à l’émancipation. Des jupes au vernis, ils initient l’évolution des mentalités et des mœurs en assumant une expression personnelle désinhibée. Retour sur une rencontre intelligente et pertinente. 

PAUL·E : Que représente la mode pour vous ? 

Laro Seresse : Depuis tout petit, la mode, c’est quelque chose qui est ancrée en moi. C’est comme un costume, c’est une manière de m’exprimer, mais c’est aussi une manière de penser. À mon avis, la mode pourrait aider beaucoup de gens à se sentir mieux dans leur peau et à s’assumer.

Kelegh Moutome : Ça c’est sûr. Depuis que j’ai commencé à être un peu — on ne va pas dire extraverti — mais vraiment moi-même en matière de style, je me sens vraiment plus à l’aise.

P. : Comment décrivez-vous votre style personnel ?

K.M. : Notre style personnel c’est vraiment quelque chose qu’on fait à l’instinct. On ne se prend pas souvent la tête. Nous sommes un gros cerveau collectif, c’est-à-dire que dès que j’ai une idée, je lui en parle, dès qu’il a une idée, il m’en parle.

L.S. : On est des rock stars, mais nous avons un costume différent.

P. : Quelles sont vos inspirations en matière de mode ?

L.S. : Michael Jackson m’a beaucoup inspiré. Pour moi, il est le “G.O.A.T.” (« Greatest of all Time », ndlr). Je trouve qu’il a changé la donne.  Je dirai également Dennis Rodman. Il m’a montré le chemin. Puis, petit à petit, j’ai façonné ma propre direction artistique pour être tout simplement Laro. 

K.M. : C’est vrai que moi aussi je m’identifie beaucoup à Dennis Rodman. Il est vrai que je ne suis pas encore capable de porter certaines des tenues qu’il a pu porter par le passé. Mais, je vais bientôt y arriver. C’est vrai que j’aime beaucoup sa personnalité. J’adore également A$AP Rocky. En guise de moodboards, nos inspirations dépendent des saisons, de notre humeur et de la température extérieure. La météo est importante ! (Rires) 

© Loïc Rodrigues
© Loïc Rodrigues

P. : Quel regard portez-vous sur la mode masculine ?

L.S. : La mode masculine ? Je ne pense pas qu’il devrait y avoir une mode féminine et une mode masculine. Je considère qu’un vêtement est un vêtement. Tant qu’il peut être porté, il n’y a pas de barrières. Ce n’est pas le vêtement qui te donne de la force, c’est toi qui donnes la force au vêtement. En ce qui concerne la masculinité, chacun·e peut avoir son propre style. Il y en a qui vont porter des vêtements, et se dire : “Non, ça ne m’irait pas”. Mais, à partir du moment où tu n’essaies pas, tu ne pourras pas savoir si telle ou telle pièce te plaît. Le plus important est de s’assumer comme comme on est, être à l’aise dans ses vêtements et être stylé·e.

P. : La mode masculine doit-elle se libérer des carcans ?

K.M. : Il faut que la mode masculine sorte des cases. Je pense qu’avec le temps, les gens vont commencer à suivre une “vibe”. Je pense qu’ils vont finir par s’émanciper. Cette émancipation est nécessaire sinon les choses n’avanceront pas et tout le monde va finir par se ressembler, ce qui n’est pas le but. Dans la mode, c’est important d’avoir sa propre personnalité. Lorsque tu n’as pas de personnalité, ça se ressent au niveau de tes vêtements, au niveau de ton style, mais aussi dans ta manière de t’exprimer et d’être.

L.S. : La mode m’a vraiment permis de changer. Ça m’a aidé à être moi. Depuis tout petit, je n’ai  jamais vraiment aimé les gens qui s’enfermaient dans des cases. J’ai toujours aimé les gens différents, les gens qui osent, et qui prennent des risques. Le but, c’est que les générations avancent et découvrent de nouvelles choses. Bien entendu, chacun·e a son style et ses préférences. Selon moi, le plus important c’est de prendre des risques, et faire preuve d’une grande ouverture d’esprit. Encore aujourd’hui, beaucoup d’hommes sont bloqués sur le fait que tu ne peux pas te permettre de porter des crop tops, parce qu’on dirait un t-shirt de fille. 

P. : Que diriez-vous à celleux qui pensent que le vernis à ongles est strictement réservé aux femmes ? 

K.M. : Oh le vernis ! Je pense que ça dépend de ce que tu fais sur tes mains. Si tu fais du nails art, pour moi, c’est de l’art tout simplement. Ce sont des idées qui sortent de notre tête. Ce qu’on met sur nos mains, c’est comme des petits tatouages qui sont effaçables. Donc pourquoi pas ? En plus, ça rajoute un petit plus à ta tenue. Franchement, il faut savoir être ouvert d’esprit.  

L.S. : J’ai toujours aimé le vernis. Cela fait environ 5 ou 6 ans que j’en porte. Les mentalités autour du port du vernis changent. Je vois que ça devient de plus en plus à la mode et que les gens osent. Le but étant, encore une fois, de montrer sa personnalité, ses choix, ainsi que ses préférences.

P. : Kelegh, toi qui viens du milieu du rugby, t’habiller différemment t’a-t-il valu des critiques ? 

K.M. : Il faut savoir une chose, c’est que tout au long de ma vie j’ai reçu des critiques. Dans le monde du rugby, c’est compliqué parce que les rugbymen sont très virils. Mon style personnel a toujours été un peu décalé. Ils rigolaient, mais au fond, ils comprenaient. Ils savaient très bien que c’était moi. Je ne les écoutais pas. Aujourd’hui, mon style est encore plus particulier qu’à l’époque, et pourtant ils like mes photos sur les réseaux sociaux. Et j’en suis content. 

P. : Parles-nous de tes débuts en tant que mannequin pour Marine Serre.

K.M. : Cette expérience fut vraiment incroyable. Marine Serre est une personne splendide dans tout ce qu’elle fait. Elle m’a vraiment pris sous son aile, ce qui m’a vraiment fait plaisir. L’atmosphère avant, pendant et après le défilé est quelque chose d’incroyable. Et honnêtement, je pense que c’est Marine qui m’a fait apprécier cette “vibe”. C’était complètement fou.

P. : Comment décririez-vous la masculinité en 2023 ? 

L.S. : Je pense que nous avons toustes une part de féminité et de masculinité en nous. Il y a des femmes qui ont un côté masculin, et inversement. C’est important d’avoir les deux. Par exemple, le skincare est encore trop associé à la féminité. Beaucoup d’hommes n’en font pas alors que prendre soin de sa peau est capital. Je dirais que mon côté féminin prend le dessus quand je m’habille. Je visualise mon look et me dis : « Cet habit pourrait m’aller. Ça pourrait le faire”. C’est mon côté féminin qui ressort. Ma grand-mère m’a appris à coudre, et je pense que la mode entretient vraiment ma part de féminité. Alors que mon côté masculin sera plus facilement perceptible dans ma personnalité. À partir du moment où tu t’ouvres, et que tu acceptes ce côté féminin présent en toi, ça déclenche plein de choses, ce qui est franchement incroyable. 

P. : Quels conseils donneriez-vous pour se détacher du regard des autres ? 

L.S. : Il faut ignorer. Il faut savoir passer le cap de l’ignorance. Je perçois ça comme une forme de sagesse, parce que tu t’écoutes, et c’est ce qui importe. Et une fois que tu as compris tout ça, le conseil que je peux donner aux gens c’est d’être soi-même. Soyez vous-même et c’est tout. Je ne veux pas plaire à tout le monde. Il y aura toujours des gens qui vont critiquer. Et à côté de cela, il y a des personnes qui t’aimeront. Le plus important est d’être entouré·e de gens qui t’aiment. Soyez vous-même, osez être vous-même. 

K.M. : Il y aura toujours des personnes qui critiqueront. Je pense même que ce sont ces gens-là qui nous donnent de la force. L’important est de ne pas les écouter.

© Mathilde Steullet
© Mathilde Steullet

P. : Laro, as-tu de bonnes adresses de friperies à nous donner ?

L.S : Vers le Centre Pompidou à Paris, en face du restaurant Subway, on trouve une friperie qui vend des vestes incroyables. Ce n’est pas du tout cher. Et la deuxième bonne adresse est située rue Mandar. Et je ne vous donnerai pas le numéro, c’est à vous de trouver.

P. : Quels sont vos prochains objectifs et projets ?

L.S. : La prochaine étape pour moi, c’est le cinéma. J’adore la mode, mais le cinéma, c’est vraiment quelque chose qui me passionne profondément. Et les deux se marient très bien ensemble. Le cinéma et le chant sont deux univers qui m’attirent.

K.M. : Pour moi, le cinéma également. Mais, j’aimerais aussi reprendre les affaires avec mon beau-père. Je veux pouvoir combiner les deux. En revanche, je sais que le cinéma peut beaucoup m’apprendre. Je pense que le cinéma m’apportera une autre ouverture d’esprit. Je suis quelqu’un qui a soif de nouvelles expériences. Donc, je pense que le cinéma pourrait vraiment être intéressant pour moi.

P. : Merci Laro et Kelegh !

Article de PK Douglas et Lily-Rose Rueda

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