RENCONTRE AVEC LYDIA BAHIA, CRÉATRICE DE LA SEINE ET MOI

Les conditions de production de la vraie fourrure sont fréquemment dénoncées. Récemment le documentaire de « Cash investigation » sur les coulisses du luxe (« Luxe, les dessous chocs ») a fait grand bruit et montre notamment les conditions précaires des ouvriers ainsi que la torture animale qui y est pratiquée et l’utilisation de produits dévastateurs pour l’environnement. C’est à partir de ce constat que La Seine est Moi s’est imposée comme alternative à la vraie fourrure, en proposant des manteaux de luxe en fausses fourrures, complètement véganes, c’est-à-dire dont la fabrication ne nécessite aucun produit animal.

 
Les consciences commencent à s’éveiller sur les conditions de production de la vraie fourrure, que souhaites-tu démontrer à travers l’utilisation de fausses fourrures pour la fabrication de manteaux de luxe ?
 
Ce que je souhaite démontrer c’est qu’on peut avoir une véritable alternative à la vraie fourrure, qu’on peut avoir un véritable équivalent qui soit aussi chaud, aussi doux que la vraie et qu’on n’a vraiment plus besoin de tuer des animaux pour porter des manteaux chauds pour l’hiver. La technologie, c’est que maintenant, on a suffisamment développé de nouvelles matières – au point de trouver une équivalence, et ce n’est que le début, ce sera de mieux en mieux dans les années à venir. Je sais par exemple que le laboratoire de Stella McCartney travaille pour créer de la soie, ça veut bien dire que moultes autres évolutions nous attendent.
 
Pourquoi est-il aussi important pour toi de voir tes produits conçus à Paris ?
 
On a un vrai savoir-faire. Le savoir-faire que l’on a à Paris, vous ne le retrouverez dans aucun autre pays. Tout est fait à la main, les pièces sont coupées une par une, chaque morceau, chaque couleur… Et je garde un oeil sur tout.
 
Comment fais-tu pour obtenir les matières et comment les travailles-tu ?
 
La matière première c’est un poil qui est lustré, qui est retravaillé pour obtenir cette douceur et aussi ce côté léger et un petit peu volumineux, et non pas quelque chose de tout plat comme on a l’habitude de voir. Je choisis les matières en fonction de leur poids, de leur qualité et j’essaie toujours de choisir des choses très haut de gamme, tout en gardant quelque chose qui ne soit pas très lourd. En général, quand je vois les échantillons, je vois le manteau, tout de suite j’ai une idée approximative du manteau.
 
En 2016, « La Seine et moi » a reçu le prix PETA de la meilleure marque de fausse fourrure. Qu’est-ce que ça a changé pour la marque ?
 
Ça donne une certaine crédibilité. Ça nous apporte aussi beaucoup de visibilité parce qu’on venait de commencer, ça faisait deux mois et c’était notre première collection. Ça nous a permis une certaine publicité auprès des magazines, auprès de la presse et de se retrouver aux côtés de Stella McCartney, The Kooples qui l’ont gagné en même temps que nous. C’est un beau prix, on est super fier ! 
 
Dans ton entretien avec le « Nouvel Obs », on a lu que tu projetais d’utiliser des matières recyclables. Où en est ce projet ?
 
On est toujours en recherche, cela représente des mois de travail. Dans deux saisons surement, cela va va se concrétiser, j’aimerais être au plus proche de la transparence et de l’éthique qu’on porte.
 
Quelles ont été tes premières motivations dans la création de « La Seine et moi » ?
 
J’ai eu un déclic quand ma meilleure amie m’a dit : « J’ai un manteau en vison blanc de ma grand-mère mais je n’ai plus envie de le mettre », là je me suis demandé pourquoi. J’ai commencé à me renseigner, je suis tombée sur des vidéos pas très cool, j’ai commencé à prendre conscience de ce qu’il y avait derrière et je me suis rendu compte qu’il n’y avait aucune traçabilité sur la vraie fourrure. En vérité, quand elle est importée, ça peut être du chien ou du raton laveur… on n’en a aucune idée. Il suffit que cela passe par un autre pays européen et, en réalité, vous ne savez pas ce que vous vendez. Donc c’est là que j’ai commencé à me poser des questions, j’ai toujours été évidemment folle des animaux mais c’est vrai que j’ai toujours été sensible à l’environnement et à la nature. J’avais vraiment envie de trouver une alternative, trouver une solution pour celles qui pensaient ne pas pouvoir s’en passer.
 
Quelle est la cible de ta clientèle ?
 
On n’a pas vraiment de cible. Je dirais que ça s’est fait tout seul. On a aussi bien la petite jeune qui va demander ça en cadeau de Noël comme la cliente qui porte déjà de la vraie fourrure et qui va s’en acheter plusieurs, parce qu’elle a les moyens. C’est vraiment large, de tous les âges. On a des filles de 20 ans comme des femmes de 55 ans. Chacune trouve son modèle. Moi ce que je voulais, c’est du luxe abordable, je ne voulais pas d’un truc trop élitiste.
 
Le manteau de fourrure c’est une pièce très saisonnière, comment faire un chiffre annuel avec une marque de fausse fourrure ?
 
Effectivement, pour la prochaine étape il fallait lancer une collection printemps/été, et puis j’en avais envie. On a lancé les imperméables, qui sortiront à partir de février. A terme on développera d’autres produits, parce que j’ai plein d’idées, de projets. Il faut laisser le temps au temps et bien approfondir chaque chose parce qu’à chaque fois que je fais un produit, je veux qu’il soit irréprochable.
 
As-tu un conseil pour les jeunes entrepreneuses qui souhaitent se lancer ?
 
Bonne chance ? Vous ne savez pas dans quoi vous vous embarquez (rires). Ne jamais rien lâcher et bosser, bosser, bosser. Y’a pas de weekend, de vacances, y’a pas de moments off. C’est sa vie qu’on donne. Les débuts sont difficiles, c’est une remise en question constamment, beaucoup de stress, de travail. Il ne faut pas compter ses heures, les nuits blanches à l’atelier, j’en ai fait beaucoup. Sauf que chaque instant est passionnant !
 
 


 
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