Igor Dieryck, « Je ne m’attendais pas du tout à gagner le Festival de Hyères »

Après avoir raflé trois prix dont le plus convoité Prix du Jury au Festival international de mode, de photographie et d'accessoires de Hyères, le designer belge Igor Dieryck est retourné dans ses quartiers parisiens encore secoué par le tourbillon médiatique qu’ont déclenché ces récompenses.

Nous retrouvons Igor Dieryck à l’hôtel Westin, rue de Castiglione. Entre midi et deux, au moment de sa pause déjeuner chez Hermès, Igor Dieryck nous accorde un temps précieux dans une semaine qui sonne comme un retour à la réalité. Le numéro PAUL·E FW23/24 (dans lequel il apparaît) entre les mains, le jeune designer de 24 ans nous parle de l’après-Festival et se veut prudent : rien ne sert de courir, il faut partir à point. 

Entretien 

PAUL·E : Qu’espères-tu comme retombées post Festival de Hyères ? 

Igor Dieryck : Le Festival était un moment super intense. Pour le moment, je suis encore un peu dans le tourbillon. Je ne suis pas spécialement dans l’attente de quoique ce soit. C’était un moment génial pour rencontrer d’autres jeunes créateur·rices. C’est ce que j’en garde. Ce que j’attends est un peu difficile à dire. Je ne m’attendais pas du tout à gagner. Je laisse un peu les rencontres se faire et on verra ce qu’il va se passer cette année.

P. : D’où vient l’inspiration de ta collection « Yessir » ?  

I.D. : Quand j’étais étudiant à l’Académie royale des beaux-arts d’Anvers, je travaillais chaque été en tant que réceptionniste dans un hôtel. C’est assez naturellement que j’ai pris ce thème comme inspiration. La réception de l’hôtel est un endroit où il se passe parfois beaucoup de choses et parfois rien du tout. Ce sont ces moments là qui sont inspirants parce qu’on a rien d’autre à faire que de regarder ce qu’il se passe. C’est donc assez naturellement qu’à la fin de mon Bachelor, j’ai choisi ce thème d’inspiration pour ma collection de Master. 

P. : Pourquoi as-tu décidé de créer en ton propre nom ? 

I.D. : Je m’étais inscrit au Festival de Hyères avant de travailler chez Hermès parce que je souhaitais avoir l’opportunité de rencontrer plein de gens, autant de la presse que des gens du métier que des jeunes créatif·ves. Les choses se sont faites un peu plus vite que prévues. Tous mes plans ont été un peu chamboulés. Malgré le fait d’avoir un job, c’est quand même chouette de continuer à faire quelque chose en mon propre nom. Je peux expérimenter et approfondir encore un peu ma propre manière de m’exprimer. 

©Marc Medina
©Marc Medina
©Marc Medina

P. : Ton propos est aussi politique… Penses-tu que la mode doit être engagée ? 

I.D. : Pour moi, la mode est de toute façon quelque chose d’assez politique. Quand on décide d’enfiler un vêtement on décide de se représenter d’une manière ou d’une autre dans la société. Ce choix là est déjà quelque chose de politique. En effet dans ma collection, j’ai choisi d’aborder le thème des personnes qui sont invisibilisées et d’utiliser tous les codes de l’uniforme qui permettent en quelque sorte de les effacer pour les remettre au centre et leur donner un peu d’importance. 

Ma collection — même si ce n’est pas spécialement mon envie personnelle qu’elle soit politique — l’est d’une manière ou d’une autre. Comme c’est le cas des neuf autres collections présentées lors du Festival de Hyères qui l’étaient aussi selon moi. On était toustes des jeunes gens qui avaient des choses à raconter. Quand on partage des choses sur nous ou sur la société, ça devient selon moi, politique. 

P. : Ta collection est aussi très fun et colorée avec des coupes assez inattendues…

I.D. : La mode doit toujours rester un peu fun surtout si on a des messages à faire passer. Rajouter un peu d’humour dans une collection aide à faire passer des messages, parfois même plus forts et plus durs de manière plus douce. Dans ma collection, c’est vrai qu’il y a un aspect un peu surréaliste, parfois un peu humoristique que je trouve assez important. Le thème que j’ai traité est un thème assez fort, ça parlait de l’uniforme en plus, donc cette idée d’être assez neutre. Je trouvais que c’était intéressant de prendre le contrepied. 

©Madou Lennert
©Madou Lennert

P. : Est-ce que c’est un parti pris pour toi de marier artisanat et écologie ? 

I.D. : L’artisanat fait complètement partie de mon processus de travail. J’ai eu la chance de travailler avec la maison Lemarié sur l’élaboration d’une pièce qui a nécessité un nombre d’heures de travail vraiment incroyable. Je pense qu’il est important de combiner les nouvelles esthétiques, notamment un nouvel ADN qui me touche personnellement, qui est le streetwear, avec tout un artisanat et un savoir-faire qu’on a encore en Europe. Puis aussi, toute la partie sustainable (durable) est très importante dans la collection. Toustes les jeunes créateur·rices aujourd’hui sont intéressé·es par ça et font le plus possible pour que leurs collections soient le plus équitable possible. J’ai travaillé avec des entreprises belges, tous les tissus de ma collection sont issus de dead stocks de designers belges. Il faut avouer que c’est assez facile pour le moment car il n’y a pas de production. Quand on passe la collection en production c’est un peu plus compliqué que ce que j’ai présenté pour le Festival. 

P. : En parlant de streetwear, est-ce que ta marque a pour vocation d’offrir une gamme complète avec accessoires, chaussures, sneakers ? 

I.D. : C’est important quand je crée une silhouette de créer un look complet. Parfois ce qui peut faire le look ça peut être une belle paire de lunettes ou une belle paire de chaussures. C’est important que chaque élément, de la tête aux pieds, soit réfléchi et pensé pour créer le look et la silhouette. Par exemple la première silhouette de la collection avec la veste rose cropped n’avait d’abord pas de sac ni de chapeau. En rajoutant ces éléments, j’ai totalement pu faire évoluer la silhouette et donner une dégaine totalement différente au look. Je trouve que c’est vraiment intéressant de jouer avec les accessoires. 

©Igor Dieryck
©Igor Dieryck

P. : L’avenir de ta marque est-il à Paris ? 

I.D. : J’habite à Paris seulement depuis un an, donc je n’ai pas encore construit un lien fort avec la ville. Mon objectif pour le moment ce n’est pas non plus de lancer ma marque. Je n’ai pas envie de parier sur l’avenir, on verra ce qui se passera dans les prochaines années. 

Igor Dieryck figure dans le nouveau numéro papier BOLD de PAUL·E Magazine.  

Article de Julie Boone

Vous pourriez aimer...