Ces marques émergentes qui bousculent les codes du vestiaire masculin

Traditionnellement ultra-classique, le vestiaire masculin se modernise et se libère de ses carcans historiques, grâce à une poignée de labels émergents déterminés à bousculer les codes du genre.

Le mot est sur toutes les bouches : nous sommes au cœur d’une ère de mode mixte, qui s’amuse à jouer et déjouer les codes liés à la performance du genre. À travers ce jeu, elle devient ainsi plus libre qu’elle ne l’a presque jamais été, le tout en prenant la voie de l’engagement écologique. Focus sur 6 maisons de mode qui bousculent les codes du vestiaire masculin pour en faire un terrain de jeu ludique, amusant et parfois révolutionnaire.

© Bianca Saunders
© Bianca Saunders
© Bianca Saunders
© Bianca Saunders
© Bianca Saunders
© Bianca Saunders

Diplômée d’une maîtrise en mode masculine du Royal College of Art londonien, Bianca Saunders lance sa marque en 2017. Un an plus tard a lieu son premier défilé au sein de la capitale anglaise, qui attire rapidement l’attention. En 2021, elle reçoit le prix de l’ANDAM, destiné à récompenser les nouveaux talents créatifs dans la mode. L’année suivante, ses défilés intègrent le calendrier de la Fashion Week parisienne. De vestiaire masculin, il est question chez cette enfant des 90s, mais comme elle le confesse volontiers : “Je veux pouvoir les porter moi-même”. Alors tailoring oui, mais toujours dans des coupes fluides, qui épousent les mouvements de la vie quotidienne, pour une allure distinguée en toutes circonstances. Comme lors de son dernier défilé, en janvier 2023 à Paris. Installé au Consulat, dans le 11ème arrondissement, le show était une référence directe au comédien et humoriste Oliver Samuels, dont la série « Olivier at Large » est un classique de la télévision jamaïcaine. Une manière pour la créatrice de filer son héritage, du décor à la bande son du défilé.

© Bluemarble
© Bluemarble
© Bluemarble
© Bluemarble
© Bluemarble
© Bluemarble

Nous sommes en 1971. L’équipage américain du vaisseau spatial Apollo 17 capture pour la première fois une photographie complète de la planète Terre, qui apparaît comme une sphère aux motifs bleu marbré. Quelques dizaines d’années plus tard, en 2019, le créateur Anthony Alvarez décide de s’en inspirer pour nommer son label de mode, Bluemarble. L’idée est simple, mais sublime : né au sein d’une famille multiculturelle (son père est philippin et espagnol, sa mère est franco-italienne), le jeune Alvarez espère présenter une mode plurielle, qui promeut l’individualité de chacun·e. L’amour du vêtement, pour ce citoyen du monde, vient de sa grand-mère et de sa passion pour les créateur·ices japonais·es comme Rei Kawakubo (Comme des Garçons). L’anecdote est amusante quand on découvre le vestiaire ultra-coloré de Bluemarble aujourd’hui. Amateur de sports extrêmes (dont le surf et le skateboard), Alvarez s’en inspire pour imaginer une mode flexible et pratique, en travaillant notamment des matières légères comme la popeline et le tissu technique. Celle-ci l’a amené à devenir finaliste du Prix LVMH et lauréat du prix Pierre Bergé de l’ANDAM en 2022.

© Casablanca
© Casablanca
© Casablanca
© Casablanca
© Casablanca
© Casablanca

Parfois, le hasard fait bien les choses. Un beau jour, à Casablanca, Latifa et Mohamed, tous deux couturiers, se rencontrent dans un atelier. Quelques décennies plus tard, Charaf Tajer, leur fils, fonde sa propre maison de mode, lui donnant le nom de la ville qui a vu naître l’histoire d’amour de ses parents. Label franco-marocain né en 2018, Casablanca a imposé dans le vestiaire masculin son esthétique onirique, flirtant parfois avec le kitsch, mais toujours avec un goût exquis. Finaliste du Prix LVMH en 2020 (qui, en raison de la pandémie, n’a pas eu de vainqueur officiel), Charaf Tajer aime à dire que sa maison est celle d’une mode “après sport”, moment précis où tout le corps est dans un état d’apaisement presque béat. Dès lors, les tissus Casablanca sont des tissus fluides, et les couleurs sont douces, parfois pétillantes, mais toujours parfaitement associées dans un souci d’équilibre parfait. Avec son identité hybride, le label a su mêler luxe rétro et sportswear avec une finesse rarement égalée.

© EGONLAB
© EGONLAB
© EGONLAB
© EGONLAB
© EGONLAB
© EGONLAB

“Les règles sont faites pour être brisées”. Telle est la maxime punk d’Egonlab, jeune label né en 2019 à l’initiative de Florentin Glémarec et de Kevin Nompeix. La première fois, ils se croisent dans une agence de mannequins : l’un est modèle, l’autre est agent. Aujourd’hui, ils dessinent à quatre mains les contours de leur jeune marque. Comme de d’autres labels de sa génération, Egonlab doit beaucoup aux réseaux sociaux, grâce auxquels le label a pu distiller son esthétique grunge et son concept inspiré de la Factory d’Andy Warhol : une maison qui réunit à la fois des collections de vêtements, mais également un label de musique, avec les bandes-sons des défilés créées par le producteur d’italo disco Pablo Bozzi, ou encore un département technologie où sont traitées les questions relatives au métavers. Lors de son dernier défilé en janvier 2023, le duo de créateurs rendait hommage au grand-père de Florentin (décédé plus tôt) et à Vivienne Westwood, disparue un mois auparavant. Comme la créatrice anglaise, Florentin Glémarec et Kevin Nompeix aiment déjouer les codes de la mode, en mêlant leur ADN punk à celle du tailoring, tout en injectant des éléments sportswear. Une identité qui a d’ores et déjà séduit Harry Styles, Timothée Chalamet ou même Rosalía.

© Louis Gabriel Nouchi
© Louis Gabriel Nouchi
© Louis Gabriel Nouchi
© Louis Gabriel Nouchi
© Louis Gabriel Nouchi

Il a fait sensation lors de la dernière Fashion week homme parisienne, avec son défilé inspiré d’American Psycho, le best-seller de Bret Easton Ellis. L’image est cinglante : Lucas Bravo, star de Netflix propulsé par Emily in Paris, s’avance sur le podium dans un manteau aux épaules larges, le visage aspergé de sang. Derrière ce défilé, il faut percevoir la critique de la masculinité toxique portée par le personnage misogyne et violent de Patrick Bateman. Fondée en 2017, la maison LGN s’amuse, pour chaque nouvelle saison, à explorer un nouveau livre, faisant ainsi dialoguer mode et littérature. À ce jour, la maison a donc proposé des relectures des Paradis artificiels de Baudelaire, des Liaisons Dangereuses de Laclos ou encore de L’Étranger de Camus. Formé sur les bancs de l’école publique La Cambre à Bruxelles, puis lors d’un stage et d’un CDD chez Raf Simons, Louis-Gabriel Nouchi a appris à avoir beaucoup d’audace dans ses idées. En résulte une identité qui mixe le tailoring classique et la contre-culture grunge, avec un casting toujours ultra-diversifié, en termes d’âges comme de morphologies. Et ça fait du bien !

© Marine Serre
© Marine Serre
© Marine Serre
© Marine Serre
© Marine Serre
© Marine Serre

On n’aura bientôt plus besoin de la présenter. De cette génération de jeunes designers prêt·es à en découdre avec les codes rigides de la mode, elle est la cheffe de file. Marine Serre a à peine la trentaine, et plus d’une dizaine de collections à son actif. Représentante française de l’upcycling, elle doit son engagement à son enfance passée en Corrèze, où les moyens de se procurer des vêtements ne sont pas nombreux : les brocantes, ou Emmaüs. Lauréate du Prix LVMH à 25 ans en 2017, la créatrice a récemment intégré le calendrier de la Fashion Week Homme, avec un défilé ouvert au public (les 900 billets gratuits sont partis à l’instant même de leur mise en ligne). Sous le toit de la Grande Halle de la Villette, elle présentait sa collection “Rising Shelter” inspirée par la crise du changement climatique et l’engagement collectif qui doit en découler. Par son nom et la panoplie de silhouettes portées par une délégation de fidèles adeptes (Yseult, Kelegh Moutone, Erin Wasson, ou encore Marcus Schenkenberg) ,le show évoquait l’urgence à protéger les corps, nos corps, avec des cagoules, des combinaisons intégrales et des superpositions de tissus à l’infini.

Article de Lolita Mang.

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