VOUS ALLEZ ADORER JOHANNA TORDJMAN, ET SON EXPOSITION « ROYAL OUTCASTS »

Crédit : Noor One

Du 16 mai au 30 juin 2018, l’exposition « Royal Outcasts » s’installe dans la capitale. Pour cette occasion, nous avons eu la chance de rencontrer Johanna Tordjman à la Galerie Sébastien Adrien et de lui poser quelques questions.

 
 
Peux-tu te décrire en quelques mots ?
 
« Je suis Johanna Tordjman, j’ai 27 ans, je suis peintre et j’habite à Paris. Je suis artiste, enfin si on peut me qualifier ainsi parce que c’est un mot un peu glorieux et flatteur pour définir mon activité. Je fais majoritairement de la peinture mais j’essaie de toucher à d’autres médiums et d’expérimenter plusieurs choses au fur et à mesure. »
 
Pourquoi avoir appelé ton exposition « Royal Outcasts » ?
 
« ‘Royal Outcasts’, c’est vraiment la manière d’anoblir ce que l’on essaie de mettre dans des cases et qui peut être considéré comme négatif, comme par exemple la jeunesse d’aujourd’hui. J’ai l’impression qu’il n’y a pas beaucoup de place pour ces personnes. Ce dont je me rends compte, c’est que, dans la mode d’aujourd’hui, on s’inspire beaucoup de la banlieue, de la rue. Et l’idée, c’était donc de réussir à représenter mon Paris à moi. Mon Paris à moi, ce sont les personnes qui m’entourent : des gens fantastiques. Ils méritent pour moi d’être dans des galeries, dans des musées, et d’être immortalisés de cette manière et donc en les rendant un peu plus nobles avec ces auréoles, pas qu’ils ne le soient pas déjà, mais vraiment de rajouter tous ces petits artifices pour leur donner une posture un peu plus royale. Donc ‘Outcasts’ veut dire plusieurs choses : ce sont vraiment les personnes qui ne peuvent être placées dans des cases, qui ne font pas partie de la norme dirons-nous. Sauf que la norme ne veut absolument rien dire. Il s’agit vraiment de mélanger et bouleverser les codes de l’art contemporain classique. »
 
Qu’as-tu voulu faire passer comme message à travers cette exposition ?
 
« Tout ce qui relève de la fraternité. Nous avons des valeurs en France que l’on nous inculque depuis que l’on est tout petit et qui sont ‘Liberté, Égalité, Fraternité’. Ce sont des valeurs qui sont de plus en plus bafouées et mises à l’épreuve. Du coup, j’ai utilisé une famille qui s’appelle la famille Ndjoli et j’ai travaillé au travers de cette fratrie là. J’ai d’abord rencontré Jean-Jacques, le deuxième de la famille. La première fois que l’on s’est rencontré, il disait à son petit frère : ‘dis au-revoir’ ou ‘dis bonjour’. Tout le monde le regardait en souriant et il se justifiait en disant ‘oui mais c’est mon petit frère, c’est normal’. J’ai trouvé ça tellement touchant, avec des vraies valeurs d’éducation qui faisaient écho à celles que ma mère nous a inculquées à ma sœur et moi. Je parle de la fraternité, parce que la fratrie c’est vraiment cette union qui est indestructible : les amis peuvent aller et venir, mais ta famille elle ne bouge pas. Je me suis rendue compte que nous avons vécu plein de choses en France ces dernières années. Au lendemain des attentats de 2015, il y a eu un élan de fraternité et de solidarité que l’on avait rarement connu, enfin de ma génération, quelque chose d’aussi fort avec ces hashtags ‘porte ouverte’, avec ces gens qui se prenaient dans les bras pour se consoler. Je trouve ça dramatique que l’on ait besoin d’une tragédie pour s’entraider, pour s’aimer et pour se tenir la main quand on en a besoin. Donc à travers ce show, ce sont des images – c’est vrai que chacun peut les interpréter – mais en tout cas moi, ma volonté, c’était de montrer que la vie est vraiment chill. Nous sommes tous frères et sœurs du même pays. Nous sommes tous des citoyens du monde. En soit c’est vraiment aussi simple que ça : la solidarité, la fraternité, toutes ces valeurs… je veux les communiquer à travers mes œuvres, c’est le message le plus important pour moi. »

 Crédit : Johanna Tordjman

 
Comment l’idée de l’exposition « Royal Outcasts » est-elle née ?
 
« J’ai peint un projet mural de 52 mètres carré dans Le Marais en février. C’était la première fois que je peignais dans la rue, c’était vraiment génial. J’ai rencontré Jean-Jacques en décembre à une fête organisée par Black Rainbow et je l’avais adoré. J’ai trouvé qu’il avait quelque chose d’assez incroyable et de solaire. Lorsque l’on m’a proposé ce mural, je l’ai contacté. Je lui ai demandé s’il voulait que l’on fasse des projets ensemble et il a dit oui tout de suite, donc c’était vraiment cool. L’œuvre s’appelait ‘Le Sacre’. Le show n’existait pas, on ne m’avait pas encore proposé cet espace là. Mais quand on me l’a proposé, cela m’a paru vraiment logique. C’est le mur qui a été le départ du show. Ça fait un mois et demi que je travaille sur cette exposition. J’ai eu un peu plus de deux mois pour peindre tout ça. Je me suis dit ‘ok, je n’ai pas envie de faire n’importe quoi, j’ai envie d’avoir quelque chose de vraiment posé et de communiquer quelque chose qui a du sens’. C’était une superbe aventure avec tous mes amis qui m’ont aidée. Il s’agissait d’une manière de continuer l’histoire et de remercier tous ceux qui m’ont soutenue jusque là. »
 

 Crédit : Johanna Tordjman

En général, qu’est-ce qui t’inspire ?
 
« Les gens et les rencontres que je fais. Par exemple, je n’ai jamais cherché de modèle : je rencontre quelqu’un ou plusieurs personnes, et plus tard, il y a un projet à un moment donné qui se monte et je dois choisir des gens. Je pioche dans ceux qui ont apporté quelque chose dans ma vie. J’espère que mes œuvres vont perdurer un petit peu et je me dis qu’au moins j’ai un lien avec mes modèles. Je peux en parler avec passion et admiration. Les gens et également l’architecture m’inspirent. »
 
Tu as  collaboré avec l’association CEKEDUBONHEUR en créant des t-shirt en série limité pour le lancement de ton exposition : pourquoi avoir choisi cette association ?
 
« C’est une association qui s’occupe et améliore le quotidien des enfants malades dans les hôpitaux. J’ai découvert cette association au travers d’Hélène Sy, la fondatrice. J’étais bénévole avec eux sur plusieurs événements où j’allais dans les hôpitaux et je faisais des ateliers avec les enfants. Je leur apprenais à faire de la calligraphie, à découvrir les couleurs, les mouvements. Beaucoup ont des problèmes de motricité. C’est important pour eux de découvrir les gestes etc. Je trouve que le travail de cette association est absolument fantastique. Ils vont dans les hôpitaux pour la Fête de la musique, pour Noël. Ils créent de la vie dans un endroit où il n’y en a pas de trop. Je les admire beaucoup. En fait, Florence de Kozzarte, qui est la curatrice du show, m’a demandé si je connaissais une association avec laquelle je voulais travailler. Comme j’ai travaillé avec eux en tant que bénévole, cela m’a paru évident de continuer la collaboration. Il s’agissait de reverser ce que l’on peut de nos bénéfices, pour essayer d’éloigner l’art d’un cercle très centré sur soi, mais aussi de partager: ’we share because we care’. Il y aura des masterclass avec des enfants de l’association justement. On va faire venir des petits groupes pour échanger avec eux au sujet des œuvres, et de voir comment ils voient la fraternité et la solidarité. Ils vont m’apprendre, je vais leur apprendre, et on va échanger tous ensemble au travers de ces œuvres et du sujet des peintures. Peut-être que l’on fera des ateliers en même temps et qu’ils se réapproprieront une œuvre en la dessinant. Nous verrons avec eux s’ils ont l’envie et la force de le faire. En tout cas, ça a été super important pour nous de les inclure dans ce processus : les enfants sont la relève. Il y avait eu un débat comme ça au Musée d’Orsay où une classe s’était vue rejeter du musée parce que les enfants étaient trop bruyants. Maintenant, il y a tellement ce coté sacré du musée et de la galerie que les gens ont peur d’y aller. Nous, avec la Galerie Sébastien Adrien et Kozzarte, c’est l’opposé : on a vraiment envie rendre ça vivant, jeune et dynamique. Ce n’est pas parce que tu n’as pas les moyens d’aller t’acheter une œuvre que tu ne peux pas découvrir un travail pictural. On va faire venir une classe du collège dans lequel j’ai grandi à Créteil. On va essayer d’emmener les nouvelles générations dans la galerie afin de démocratiser tout ça. »
 
Comment l’univers de l’art est-il venu jusqu’à toi ?
 
« Quand on est enfant, on nous donne toujours un papier, un crayon et on nous fait dessiner, colorier ou gribouiller n’importe quoi. J’ai l’impression que tous les enfants font ça, et à un moment donné, il y en a qui vont arrêter pour faire autre chose, par exemple, lire des livres, faire du mécano, etc. Moi je crois que je n’ai juste jamais arrêté de dessiner. J’ai de la famille aux États-Unis et j’ai un oncle qui travaille dans le cinéma à L.A.. Quand je devais avoir 7-8 ans, il travaillait dans les studios DreamWorks. J’y suis allée et j’ai rencontré celle qui avait dessiné Stuart Little à l’époque. Je me suis dit‘oh my god je veux vraiment faire ça’. Je me suis dit que j’allais faire de l’animation. En grandissant, je n’en avais plus envie, mais plutôt de continuer de dessiner. »

 Crédit : Johanna Tordjman

 
 
Peux-tu nous expliquer la technique que tu utilises pour tes œuvres ?
 
« Je fais d’abord des photographies de mes modèles dans les positions – à peu près similaires à ce que j’imagine comme peinture. Ensuite je travaille au crayon sur mes œuvres puis à l’encre pour mettre quelques ombres et lumière. Ensuite vient l’acrylique sur toile. »
 
Si tu devais résumer ton art en 3 mots, quels seraient-ils ?
« Ce serait le mouvement, la lumière et l’espace / les formes. »
 
Nous tenons à remercier Johanna Tordjman pour cet échange plus qu’intéressant. Gros coup de coeur pour sa démarche artistique et ses oeuvres modernes. Un conseil les Paulette : foncez !
 

INFORMATIONS PRATIQUES :
 
Exposition du 16 mai au 30 juin 2018

Royal Outcasts, commissariat par l’agence Kozzarte

Galerie Sébastien Adrien
4 rue de Montmorency
75003 Paris

> Article de Valentine ROUAS

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