SÔNGE : HAUTE EN COULEURS


Photos d’Hellena Buchard

Sur le refrain de Colorblind, Sônge chante « J’entends des couleurs dans ma tête, me confiant des secrets ». Il nous tardait forcément de rencontrer cette jeune artiste mystérieuse à la personnalité hors du commun. Passionnée par la mythologie et les contes africains, elle publie un premier EP surprenant où le RnB est autant influencé par le dub que le trip-hop. La rencontre est marquante. Dans un large sourire, ponctuant chacune de ses interventions d’une anecdote savoureuse, Sônge nous a raconté avec franchise ce qui a forgé son caractère !

Océane Belle a grandi à Quimper en Bretagne. Sa mère est monitrice d’équitation pendant que son père sauve des vies en fabriquant des prothèses orthopédiques pour les accidentés de la route. Dès l’enfance, elle côtoie des gens plus âgés, preuve d’une maturité naissante. « Tout ce qui est télé et Barbie, je suis passée à côté », plaisante-t-elle. Elle aurait pu embrasser une trajectoire différente si l’appel de la musique n’avait pas été plus fort. « J’étais en équipe de France d’équitation, précise-t-elle, j’ai même fait les championnats du monde en endurance équestre. Je suis allée deux fois aux Emirats, pour la répétition et le jour J j’ai fait 120 km au galop dans le désert. » Compétitrice et endurante, deux qualités qui peuvent toujours lui servir dans l’industrie musicale. « Si je veux conquérir le monde, il va me falloir des muscles ! », dit-elle dans un sourire laissant apparaître ses dents du bonheur.

Sa mère lui transmet son amour du reggae, son père, celui du jazz. « Avec le reggae et la bass music, j’ai découvert le dub puis le trip-hop. C’est ma filiation, je ne viens ni de la pop ni de l’électro. » Elle n’a pas l’impression d’appartenir à cette famille d’artistes à laquelle on l’associe souvent. Ces dernières années en France, le R’n’B a bénéficié d’un retour de hype grâce à son pendant électronique, porté par une génération décomplexée, dont Holybrune, Ok Lou ou Bonnie Banane. Mais côtés influences, Sônge préfère se revendiquer de Björk, Cocorosie ou Nicolas Jaar. Pas froid aux yeux ! « J’ai commencé par jouer des percussions africaines dans un groupe. Avec ma meilleure amie, on ambiançait les parkings à la sortie des festivals. D’habitude, c’est des mecs qui font ce genre de truc, mais nous, les deux petites meufs de 17 piges, on assurait ! On venait nous voir parce qu’on était intégrées, pas pour nous draguer. »

GLOBE TROTTEUSE

Elève brillante et prudente, elle se lance dans une prépa HEC puis une école de commerce, comme pour entretenir la tradition familiale. « J’étais là sans être là, j’avais de bonnes notes mais ce n’était vraiment pas mon truc, résume-t-elle. Mais bon j’ai fait des stages cools. Le dernier, c’était chez Crammed Discs (Die Antwoord, Staff Benda Bilili). » Océane a la bougeotte. Elle poursuit ses études à l’étranger. C’est le premier déclic : « Avant de partir, mon père m’a offert une machine pour enregistrer des boucles. Sans ça, je n’aurais sans doute jamais fait de musique. » Elle s’installe à Cologne, l’autre berceau de l’électro en Allemagne. « Je n’ai pas eu besoin d’aller là-bas pour faire l’expérience des rave parties, précise-t-elle, il y en avait tous les week-ends en Bretagne. » Là-bas, elle reste prostrée dans sa chambre d’étudiante. « Je n’arrivais pas à sortir ou aller vers les gens, s’étonne-t-elle encore. C’est un ami français que je voyais de temps en temps qui m’a fait découvrir l’électro française, c’est quand même un drame ! » L’ennui, la solitude donnent naissance à ses premières compos. « C’est très cliché, mais je faisais mes petits sons en regardant au loin les lumières de la ville. »



Cinq mois plus tard, elle s’envole pour le Brésil pour une compète de cheval avant de s’installer à Amsterdam pendant un an.
« C’est là que j’ai complètement vrillée, s’exclame-t-elle. J’ai fait plein de rencontres, la plupart non musicales, et vécu des trucs super forts qui m’ont marqués pour des siècles et des siècles. » Entre temps, elle est allée au Népal et en Afrique du Sud, pour finir son équipée sauvage à Bruxelles puis Paris où elle décide de changer de voie. Une épreuve violente en guise de révélation. « A mon retour en France, j’ai perdu ma voix, confie-t-elle. Je n’en ai pas dormi pendant des mois. Je ne pouvais plus chanter et parler me faisait un mal de chien. C’est à ce moment-là que je me suis dit : si je retrouve ma voix, je la garde ! » Après des mois de rééducation, elle finit par prendre des cours de chant, s’inscrit à l’ATLA puis au Conservatoire de Paris, guidée par son ambition, toujours.

MALICE ET FANTAISIE

Pour soigner ses insomnies, on lui recommande de porter des Luminette, des lunettes qui émettent de la lumière en direction des yeux. Un objet thérapeutique qui deviendra rapidement un accessoire de mode, incontournable dans son univers visuel. Seul bémol, elle ne voit strictement rien quand elle les porte. « La première fois où j’ai donné un concert avec, je ne trouvais pas mon micro. Les gens ont cru que j’étais déchirée (rires). » Il faut la voir en live ! Emmitouflée sous une parka large, capuche vissée sur la tête, lunettes réfléchissantes, elle propose une expérience psychédélique intense, proche de la transe et de la techno. Elle se moque des convenances, mélange indie et mainstream, anglais et français, et chante même dans sa langue imaginaire. « C’est une mère qui s’adresse à son enfant depuis l’au-delà, précise-t-elle. Il y a seulement une phrase en français. Les gens pensent qu’il s’agit d’un dialecte du Cameroun, d’où je suis originaire. » Ajoutez à cela une dimension cinématographique qui pousse le public à « partir dans des cinématiques. J’aime les films fantastiques, il faut que ça reste magique, comme ma musique. »



Il ne s’agit pas de sa seule fantaisie. On lui prête une passion pour les contes. Loin des histoires de princesse :
« Pour Noël, une copine m’a offert « Contes des sages qui lisent dans les étoiles ». Je suis très sensible à la mythologie dans la musique, comme la Tétralogie de Wagner qui s’inspire d’une légende nordique pour en faire un opéra. J’ai aussi pas mal de morceaux qui sont liés les uns aux autres, comme les chapitres d’un livre. C’est mon âme de bébé (sourire) ! » Autre particularité surprenante, elle souffre de synesthésie, phénomène d’association des sens – chez elle, de l’ouïe vers la vue. Une découverte récente qu’elle a faite en surprenant la conversation de deux voyageurs dans le train. Elle associe les accords à des couleurs qui résonnent avec l’âme et lui suggèrent des mélodies. Elle s’explique : « J’utilise notamment des bleus électriques pour les délires nocturnes – des choses très éthérées et lancinantes avec une pointe de nostalgie. Des mauves foncés pour un rendu plus lugubre, avec des basses lourdes et rocailleuses. Et des argentés pour un rendu plus fantaisiste, comme dans les Walt Disney, quand le héros se retrouve face à son destin. » Pas si surprenant ou presque, quand on sait que sa mère pratique la peinture. « On s’auto-influence beaucoup, se réjouit-elle. Ma mère m’accompagne dans tous mes déplacements, si bien qu’elle a appris les rudiments du métier de tour manager. C’est rassurant d’avoir sa maman dans l’équipe. »

Sa nouvelle obsession, ce serait de travailler avec des spécialistes du cerveau pour théoriser cette sensibilité au monde qui l’entoure, pour maîtriser et développer un peu plus son art. « Comme Skriabine, un compositeur russe qui avait mis en place un piano à lumières où chaque touche avait une couleur ou Erik Satie. Je suis passionnée par tout ce qui touche au cerveau, à la mémoire. » Cette jeune femme est décidément pleine de surprises !

SÔNGE :: Premier EP

Autoproduction

Sortie le 20 janvier 2017


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