« PEU IMPORTE CE QUE JE FAIS, JE VAIS ÊTRE CRITIQUÉE. ALORS, AUTANT QUE JE FASSE CE DONT J’AI ENVIE ! »

Maëva, 25 ans, alias 47MEOW, c’est la douceur du rap qu’il faut connaître. Elle posait parmi nos 50 rêveur·euse·s dans le dernier numéro papier de Paulette et s’impose doucement, mais surement, dans le milieu de la musique. Rencontre avec une féministe dans l’âme, qui n’a pas peur du regard des autres.

Source - Instagram © leo_papin
Source - Instagram © leo_papin

Avec 47MEOW, nous nous sommes donné rendez-vous lors d’une de ses sessions studio. Assises sur un canapé, face aux micros et aux écrans de montage de son, on a parlé. Entre inspirations musicales et stylistiques, entre rêves et désillusions, l’artiste s’est livrée, pour Paulette.

Ma première question, comme je sais que tu es une rêveuse, c’est : De quoi tu rêves ?

Mon plus grand rêve, c’est que ma musique soit dans toutes les oreilles. Mais ce n’est pas une question de « percer ». Si je peux vivre de ce que j’aime, ça me va. Même si ce n’est pas moi la star, je serais très contente. Et par le biais de ma musique, si je peux aider mon prochain, en agissant bien, ça me va aussi. 

Quelle est l’histoire derrière ton nom, 47MEOW ?

Au début je l’ai mis comme ça, en pseudo Instagram. Il y avait une certaine dualité entre le « aK 47 » par rapport aux armes à l’aspect dur à la violence. Mais à côté de cela, moi j’aime les félins, les chats, et c’est vrai que je trouvais que le mélange me correspondait bien.

En 2017 tu sors ton premier EP autoproduit, mais il semblerait que tu écrives tes sons depuis toute jeune. Petite fille, qui étais-tu ?

Je lisais beaucoup, j’étais à fond dans l’univers fantastique. À force de lire des romans, j’inventais des petites chansons pour illustrer l’histoire. J’aimais ce genre d’ambiance, ça me faisait écrire. Même si j’apprenais aussi des textes. Corneille, Tété, certains m’ont touchée. Mais souvent, au lieu d’apprendre les musiques des autres, j’écrivais mes propres paroles. Et puis, c’était plus facile à retenir comme ça (rires). Au début, je faisais du franglais, je chantais en yaourt ! Quelle époque… J’ai aussi commencé plein de petits essais, j’aimais inventer des trucs, faire travailler mon imagination.

© Photographe @zameunier - styliste @Jillgattegno - make up @Pauvrelola
© Photographe @zameunier - styliste @Jillgattegno - make up @Pauvrelola

Tu joues de quel instrument ? Tu as appris à jouer grâce à ton père musicien ?

Je joue de la guitare, j’ai appris en autodidacte. Je suivais des tutos YouTube. Et sinon, surtout, j’ai fait 15 ans de piano. D’ailleurs, j’étais au conservatoire. Mais je n’en joue plus, et mon père, en tant que saxophoniste, il me demande toujours : « C’est quoi ces musiciens qui ne pratiquent pas ? ». Ce n’est pas du tout ce que je fais aujourd’hui dans ma musique en plus. J’apprenais du rock alternatif ou des petites chansons mignonnes. 

Mon père lui, il jouait dans plusieurs groupes, et notamment au sein de la comédie musicale de Robert Hossein, On achève bien les chevaux. J’ai toujours été bercée par la musique. Il en joue encore aujourd’hui, peu importe l’heure. Parfois à 23 heures, il se met à jouer de la flûte.

Comme je le disais, en 2017, ton premier EP F.L.R voit le jour… Dedans tu parles d’amour, d’argent, de déception, de pouvoir, comment as-tu décidé de te lancer dans ce premier projet ?

En fait, j’avais déjà écrit tellement de sons, j’avais aussi rencontré des gens du milieu. À chaque fois, il y avait finalement un problème, ça n’aboutissait pas, ça ne sortait pas. Je me suis dit que j’allais sortir un EP en proposant une palette de ce que j’aime, ce que je sais faire. Et voilà, j’ai sorti F.L.R, la contraction de « Fout La Rage », qui est une expression que je dis souvent. J’étais jeune encore, j’ai beaucoup évolué depuis cet EP. 

Tu as complètement réinventé les codes du rap en les mélangeant à de la pop urbaine et à ceux du r'n'b. Ton univers musical, tu le qualifies comment toi ?

Même moi j’ai du mal à le qualifier. C’est drôle que tu me demandes ça. Un jour, un abonné m’a demandé quel était mon genre musical. Et moi au début, je l’ai mal pris. Je voulais lui dire « Écoute, tu verras, c’est surement du r’n’b ». Finalement, je lui ai répondu que je rappais et que je chantais. Parce que je sais qu’être une fille et rapper trop dur, ça n’enchante pas non plus et ce n’est pas ce que les gens aiment écouter. Donc j’ai fait un mélange des deux. Et lui m’a répondu que justement, c’est ce qu’il pensait, il n’arrivait pas à me mettre dans un genre et m’a dit que je m’étais inventé une nouvelle catégorie.

Et j’avoue que c’est un peu vrai. C’est ça que j’aime dans 47MEOW, c’est hybride. Pas de filles, ni de garçons. Je ne veux pas qu’un mec se sente mal d’écouter mes chansons d’amour. C’est pour ça que j’essaye de mélanger les points de vue des deux sexes. Même si bien sûr, « girl power ».

On dit de toi que tu es une rappeuse avec des sonorités douces et fraîches. Et c’est vrai que tu réussis à mêler des ADN très gangsta (je pense par exemple à la cagoule dans le clip Vautours) en y ajoutant toujours une touche féminine, colorée. C’est important pour toi ?

Oui, ça l’est. Tu sais, ma personnalité et mon style, parfois ça plaît, parfois non. J’ai eu des remarques comme quoi j’étais « trop garçon », trop ceci », « trop cela ». Par rapport à mon style vestimentaire on me demande même si je suis lesbienne. Mais moi, j’ai un grand frère, on a 10 ans d’écart. J’en ai qu’un seul, il a pleuré 10 ans pour m’avoir dans sa vie. Alors, très vite il m’achetait les mêmes affaires que lui, m’habillait comme lui. En fait, je suis beaucoup influencée par mon frère, je prends exemple sur lui, même les baskets, c’est lui qui m’y a initiée. Mais j’aime bien toujours garder ma petite touche « girly », le rose, les ongles assortis ou une wig fluo.

Dans Vautours, tu dis : "La plupart n’en valent pas le détour alors nique les tous avec amour". L’amour, c'est la thématique qui t’inspire ?

Elle m’inspire beaucoup parce que, de l’amour, peuvent découler tellement de choses. Parfois, on va passer par plusieurs sentiments, pour finalement, retomber sur l’amour. Avec nos proches, nos copains, on peut être en colère, avoir le seum, mais finalement on prend du recul. Tu vois, avant, j’avais un peu de rancœur. Je me demandais pourquoi mes connaissances se disaient que c’était facile pour moi. Pourquoi elles pensaient que je ne méritais pas que l’on me donne de la force. Mais en fait, ce qui ne vaut pas le détour, c’est de se prendre la tête ! Les chemins se croisent et se séparent. Je trace ma route et ceux qui n’en valent pas le détour, restent en chemin. 

Cette chanson je l’avais écrite pour mon frère. À cette époque, il était en prison et je voulais tout arrêter, même la musique. Mais il m’a dit : « Maeva, si ça n’était pas difficile, la vie n’aurait pas de goût ». Il me répétait de ne pas me préoccuper des gens autour. Il est d’ailleurs sorti de prison la veille de la sortie de cette chanson, j’étais vraiment contente.

Souvent dans le rap, lorsque le sujet de la déception - et notamment, la déception amoureuse - est abordé, les punchs sont souvent violentes et agressives. Mais toi, on ressent de la bienveillance dans tes textes. Par exemple, je lisais dans ta bio insta "Only positive vibes", c’est ce que tu prônes à travers ton art ?

C’est ce que je veux valoriser en tout cas. Je reste un être humain, parfois je n’ai pas les bonnes réactions ou les bons ressentis. Mais j’aimerais réussir à toujours être positive. Et si ce n’est pas mon état d’esprit sur le moment, je préfère ne pas parler à la personne, plutôt que de lui renvoyer des ondes négatives. Je suis contente d’avoir pris du temps pour grandir. Par exemple, je me suis rendu compte que sur Internet, les gens sont méchants. Après ça, j’ai réalisé que je n’avais pas à prendre en compte les avis des haters. Peu importe ce que je fais, je vais être critiquée. Autant que je fasse ce que j’ai envie de faire ! 

Le clip de Jamais est sorti le 8 mars 2020, le jour de la Journée internationale des droits des femmes. Je ne pouvais pas m‘empêcher de te demander si c’était une coïncidence, et si ça représentait un message particulier pour toi en tant que femme artiste ?

C’était grave fait exprès ! Ça me faisait plaisir que ce jour-là, je puisse dire que l’on est des femmes. On est fortes. On est aussi des mamans, ou des veuves pour certaines, qui essaient de vivre à travers notre art. Aujourd’hui, apparemment, il faut prendre à la rigolade le fameux “la femme à la cuisine”. Mais nos mamans étaient non seulement à la cuisine, mais aussi en train de changer les couches, elles étaient aussi là pour aller charbonner. Quand je vois notre société, tout ce que font les femmes, je suis super fière de nous. À chaque fois que je vois des petites meufs lancer des projets, avoir des objectifs et les atteindre, je suis fière. C’est comme si on était une grande équipe et que l’on se soutenait.

Dans ce clip justement, qu’est-ce qui t’a inspirée pour le visuel, la photographie, les couleurs, le style ?

Un gros big up à Juliette et Gillian qui ont fait le clip. Je leur disais ce que j’imaginais et on a réussi à faire un truc super ! 

Je regarde beaucoup de clips qui m’inspirent et je suis entourée de bonnes personnes qui se donnent pour pouvoir produire quelque chose de cool, sans gros budget. Je leur répète que l’on doit vraiment faire quelque chose de carré, même si l’on n’est pas signées. Il faut que les gens puissent voir que l’on est sérieuses. Comme j’adore les sapes et les baskets, je peux habiller mes copines avec mes vêtements. C’était beaucoup de travail, je créais toutes les tenues. À l’avenir, je laisserai cette tâche à une vraie styliste (rires) !

Qui sont les artistes et les personnes de manière générale qui t’inspirent et te motivent dans ton art, chaque jour ?

Certains artistes me motivent par leur histoire, plus que par leur musique. Par exemple, Jul. Quand il a débarqué, il était très insulté, traité de plein de choses horribles. Et maintenant, tout le monde fait le signe Jul ! Il a tout explosé, et s’est construit tout seul. Aya Nakamura, pareil. Je n’écoute pas à fond sa musique, mais le fait qu’elle soit une femme noire, qui fait ce qu’elle a à faire, face aux horribles critiques qu’elle reçoit, je trouve ça inspirant. 

En termes d’inspirations musicales, c’est vraiment des anciens. J’écoute Erykah Badu, Lauryn Hill, j’aime bien aussi des artistes que mon père m’a fait connaître. Melody Gardot, Norah Jones, qui a une voix vraiment magnifique. C’est grâce à ces personnes-là aussi, que j’ai compris ce que je voulais faire musicalement. J’adore chanter, mais je ne suis pas une chanteuse qui pourrait faire des notes très complexes. Je préfère faire  simple, plutôt que de prendre des risques et de ne pas être dans le ton. Norah Jones, j’adore son grain de voix. C’est simple, c’est reconnaissable parmi plein d’autres.

Ensuite, il y a aussi beaucoup de mecs qui m’inspirent. Gucci Mane, j’aime son histoire de fou, j’adore sa musique, son style. Et Corneille, quand je le réécoute aujourd’hui, pour moi, c’est toujours d’actualité. « Nous sommes nos propres pères, si jeunes et pourtant si vieux », c’est magnifique, je suis toujours dedans. Diam’s aussi, grand exemple. Quand j’écoute « Big up, big up, big up à toutes mes soeurs », message de fou ! Et je l’écoute encore, pour moi, c’est la seule dans sa catégorie qui a eu une carrière respectable du début à la fin. Rien à dire, c’est lourd. 

Récemment on pouvait t’entendre sur Jogging Jojo dans le nouvel EP d’Amouravenir… Elle parle de quoi cette chanson ? Comment s’est passée votre collaboration ?

Quand j’ai reçu ma prod, j’avais envie de faire une chanson d’amour, mais aussi de montrer que la fille avait un peu le contrôle. Même si j’ai mon uniforme de tous les jours, je suis souvent en jogging/baskets parce que j’adore les ensembles, je te ferais craquer quand même ! Donc, j’ai fait mon petit hymne, un peu d’égo trip, mais qui fait du bien. Je suis fière de cette collaboration, d’ailleurs on va surement bientôt faire le clip.

Est-ce que cette chanson annonce la nouvelle 47MEOW ?

Franchement ? Oui. Après, moi je trouve que c’est un terrain facile, ce genre de sujets. Mais avant, quand je faisais des sons, je me mettais la pression du « qu’en-dira-t-on » ? Alors que pour celui-là, je n’y ai pas pensé, j’ai sorti mon son, moi je le kiff. À partir du moment où ça fait danser mes copines, je suis contente. Ce qui compte pour moi, c’est que la musique te fasse changer de mood. Tu la mets, tu sais que tu es en mode apéro !

On fait cette interview lors d’une de tes sessions studio... Tu peux nous dire sur quoi tu travailles en ce moment ?

Là je travaille sur un EP, on a fait huit titres et on va en choisir cinq. Aujourd’hui, c’est la session où je termine d’enregistrer un de mes sons qui s’appelle Mes bails. D’ailleurs, on va déjà le clipper dimanche, on met les bouchées doubles. Là, on va ré-écouter les 5 sons en question et les perfectionner, voir si j’ai des backs à rajouter et essayer de vous le sortir au plus vite !

Il y aura des featurings ?

Non, ce n’est pas prévu pour l’instant. Je ne suis pas du tout fermée à l’idée ! Mais je pense que j’ai mes preuves à faire en solo d’abord. Je n’ai pas envie que l’on dise que grâce à un feat, j’ai explosé ! Je ne pourrai pas supporter de m’être battue tout ce temps pour que l’on accorde mon crédit à un seul feat. Je préfère essayer longtemps. Et puis, j’aime bien ce qui se fait par affinité. Moi, j’aime rencontrer la personne, comme ça, on est sûr·e·s de faire un son de fou !

Merci à toi, et plein de courage pour la suite !

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Un article de Margot Hinry

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