PAULETTE TALKS : « MOI AUSSI, J’AI PEUR DE LA POLICE »

#MoiAussiJaiPeurDevantLaPolice. Le hashtag à l’initiative de la militante Assa Traoré en soutien aux propos coup de gueule de Camélia Jordana dans l’émission ONPC résonne avec autant de force que le cynisme et la malhonnêteté intellectuelle de la réponse gouvernementale, dont le but est d’esquiver encore une fois le problème de fond. Les mots de la chanteuse et comédienne sont pourtant clairs : « Il y a des milliers de personnes qui ne se sentent pas en sécurité face à un flic […] Il y a des hommes et des femmes noir.e.s et arabes qui se font contrôler quotidiennement et fracasser pendant le confinement, c’est un fait. »

Photographie de Justine Brabant

Faut-il rappeler à nos dirigeant.e.s politiques et aux institutions policières les cas de Zyed, Bouna, Adama, Théo, Liu, Cédric, et plus récemment ceux de Ramatoulaye, Yassim et Sofiane, roué.e.s de coups et/ou agressé.e.s au taser par des policiers et des agents de la BAC lors de 3 contrôles d’attestation distincts pendant le confinement ? Alors même qu’elle et ils n’avaient commis aucune infraction… sinon d’être de jeunes racisé.e.s dans leur quartier de banlieue.  Faut-il rappeler le cas du motard de Villeneuve-la-Garenne, intentionnellement percuté par une voiture de police banalisée, selon les nombreux témoins de la scène, ou la mort de Mohammed, un sans abri décédé dans la cour d’un commissariat de Béziers ? 

Le malaise et la grande défiance qui existent entre la police française et une partie de la population, qu’elle soit issue des gilets jaunes, des manifestations d’étudiant.e.s et de retraité.e.s ou des quartiers populaires, ont lieu d’être. Nombreuses sont les associations et ONG, dont la Ligue des Droits de l’Homme, qui condamnent le racisme et l’homophobie endémique de la police, l’usage illégal, illégitime, non justifié, non nécessaire et disproportionné de la violence ainsi que la radicalisation systémique d’une police protégée par l’État, laissant à penser que les extrêmes ne sont pas à la porte du pouvoir, mais déjà au pouvoir dans la rue et les commissariats. Cette violence policière débridée s’abat principalement sur les quartiers populaires, où, post-confinement, on fait la chasse aux matchs de foot entre ami.e.s alors que la rue des Batignolles et les quais de Seine sont bondés de Parisien.ne.s qui se dorent gaiement au soleil, pinte de bière à la main, sans une once d’inquiétude. Deux quartiers, même ambiance, deux sentences.

(Photos by Stephen Maturen/Getty Images, Richard Tsong-Taatarii and Carlos Gonzalez/Star Tribune via Getty Images)

L’intolérable différence de traitement entre les uns et les autres est aussi saisissante que l’effroi et la douleur provoqué.e.s par les vidéos qui font surface sur les réseaux sociaux et qui montrent la violence policière à l’oeuvre. Celle de George Floyd, noir américain tué en pleine rue par les forces de l’ordre de Minnesota (États-Unis) pour une suspicion de chèque en bois (!), alors même que des manifestants anti-confinement blancs paradaient et brandissaient tranquillement des armes de guerre de type AK-47 dans ces mêmes rues deux semaines plus tôt, est un énième exemple du racisme endémique et structurel qui existe également dans la police Outre-Atlantique. 

Les bavures policières sont évidentes et couvertes systématiquement par l’appareil étatique – la citoyenne Camélia Jordana a très justement pointé du doigt que la majorité des affaires mettant en cause la police se termine par un non-lieu, sans aucune condamnation ferme de l’État. Preuve à l’appui, cette proposition de loi (datant du 26 mai 2020, à l’initiative d’Éric Ciotti) qui rendra « non identifiables les forces de l’ordre lors de la diffusion d’images dans l’espace médiatique ». Le constat est sans appel : la technique d’esquive et la protection étatique des policier.ere.s (devenu.e.s soudainement victimes) sont une machine implacable et bien huilée. La difficulté du métier de policier.ere.s n’excuse pas de tuer et d’être au-dessus des lois de la République. 

Merci à Camélia Jordana de rappeler que « le combat est tel qu’on ne peut pas se permettre de le minimiser ». Merci à Camélia Jordana de lancer un énième pavé dans la mare.

Article de PK Douglas

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