Nabil Harlow et Noémie Lenoir subliment leur amitié en chanson, avec ‘J’aurais aimé’

Plus proche et complice que jamais, le duo d'ami·es, "à la vie, à la scène", se confie sur la genèse de ce single à 2 voix, leurs parcours singuliers dans le milieu de la mode, sans oublier la raison pour laquelle leur amitié-amoureuse est si passionnelle. 

Noémie Lenoir et Nabil Harlow © Remi Desclaux

C’est avec 10 bonnes minutes d’avance que le directeur artistique devenu chanteur et parolier, Nabil Harlow, accompagné de son acolyte de presque toujours, la modèle qu’on ne présente plus, Noémie Lenoir, nous rejoignent dans l’ambiance feutré et cosy de l’un des salons de l’hôtel Canopy Hilton Trocadéro. À peine installé·es, les confidences enrobées de sourires chaleureux fusent. Il faut dire que ces deux fortes personnalités se connaissent bien, trop bien même. Depuis leur première rencontre à New York, leur amitié a résisté aux aléas du temps, de la distance et des relations tierces, au point de se muer en un Amour qui transcende toute définition. Rencontre avec les deux interprètent de ‘J’aurais aimé’, un single touchant qui parlent de sentiments passionnés et passionnels.

 

Nabil Harlow et Noémie Lenoir dans 'J'aurais aimé' © Samy Jo

PAUL·E. : Comment vous êtes-vous rencontré·es ?

Noémie Lenoir : Tu es sûr qu’on doit le dire ? [rires].

Nabil Harlow : On s’est rencontré il y a quinze ans à New York à un défilé de mode.

P. : Noémie, comment Nabil vous a-t-il convaincue de prendre part à cette aventure musicale ?

N.L. : J’avais déjà fait un album, plutôt personnel, une sorte de thérapie. Là, c’est vraiment la première chanson que j’interprète avec Nabil. Il n’a pas eu beaucoup à me convaincre. J’adore ce qu’il fait, j’adore son écriture, j’adore son univers. Cette chanson parle d’amour, de nous, de tout ce que les gens peuvent traverser dans leur vie. J’ai tout de suite dit oui.

P. : Nabil, vous sortez votre nouveau single en duo avec votre amie, Noémie. Qu’avez-vous souhaité y exprimer ?

N.H. : C’est une chanson que j’ai écrite en pensant à Noémie, elle n’aurait pas pu exister sans elle. Quand j’écris de la musique, j’ai des émotions qui me traversent et à ce moment-là, elle [Noémie] était dans ma tête. On avait eu une conversation quelques jours avant sur des trucs assez profonds. Puis on s’est vu·es, je lui ai chanté la chanson juste avec un piano-voix. Elle a adoré. Je lui ai dit de venir avec moi au studio.

 

« Pour Nabil, je sais que ça sera à vie. Si on devait se marier, je n’aurais aucun problème à dire pour la vie », Noémie.

 

P. : Comment décrivez-vous votre processus créatif ?

N.H. : J’écris, je compose. J’ai besoin de cet exercice pour faire de la musique. C’est ce qui me transcende le plus, l’écriture. Pouvoir parler d’émotions, les poser sur un papier, c’est un travail thérapeutique d’une certaine façon. Expliquer des moments de vie, une amitié-amoureuse.

N.L. : Cette chanson est très représentative d’un couple « amical ». Je suis plus attirée par l’amitié que par l’amour d’un homme. Mes amitiés sont beaucoup plus profondes, beaucoup plus fidèles. Je peux avoir une douleur atroce à cause d’un·e ami·e ou si je fais du mal sans faire exprès. Je peux davantage me remettre en question avec mes ami·es qu’avec un homme. Il y a un poème qui s’appelle « Le train de ma vie » de Jean D’Ormesson qui dit que les personnes qui montent dans votre train traversent votre vie. Pour Nabil, je sais que ça sera à vie. Si on devait se marier, je n’aurais aucun problème à dire « pour la vie ».

N.H. : Pour moi c’est pareil. De toute façon, l’amour c’est tellement d’états différents qu’on ne peut pas le définir. C’était vraiment l’exercice de cette chanson.

N.L. : Il parle un peu de mes travers aussi. C’est ça qui est cool. Dans cette chanson, il y a une vérité. Cette vérité, elle touche tout le monde. On a toustes quelque chose au fond qui nous rend addict, qui nous rend sombre. En même temps, cet amour qu’on ne peut pas se donner, qui n’est pas charnel est bien représenté dans cette chanson même si on s’embrasse dans le clip. Il y a quand même cette forme d’amour qui est une prise du coeur, une prise sensuelle.

N.H. : Au moment du tournage de cette scène, on a tellement rigolé. On se sait. On se connait tellement par coeur. Je ne pense pas que j’aurais pu faire ça avec quelqu’un d’autre. Je n’avais d’ailleurs encore jamais pensé à l’exercice du duo. Si demain je devais chanter avec quelqu’un, je ne sais pas comment ça se passerait, comment il faudrait construire le truc. Noémie est ma jambe gauche.

 

P. : L’amitié est-il un sentiment plus fort que l’amour ?

N.H. : Si c’est une amitié amoureuse, oui. La vraie amitié est toujours amoureuse. Si on aime à fond quelqu’un, c’est aussi important que ce que tu peux éprouver avec une personne avec qui tu es en couple.

N.L. : Si demain je devais tuer Nabil, et je m’en excuse, pour sauver la vie de mes enfants, je sais qu’il me le pardonnera. [rires] Ça veut dire qu’on est dans un stade où mon amitié avec Nabil est juste en dessous de mes propres enfants. Pour le reste, je ne le trahirai jamais.

P. : Comment maintenir les liens d’amitié quand chacun évolue de manière différente ?

N.L. : On est un peu taré·es toustes les deux. Mais on devient de plus en plus calmes, apaisés. On sait ce qu’on veut dans la vie et ça va avec l’âge.

N.H. : On se dit des vérités aussi. On ne prend pas de pincettes. C’est ça qui est hyper sain. Dans toute relation, s’il y a des problèmes, c’est soit parce qu’il y a des non-dits, soit parce qu’une des deux personnes ne se sent pas suffisamment à l’aise pour être à 100% honnête avec l’autre. Ce qui brise les couples c’est les histoires de cul, quand tu n’as pas d’histoire de cul, généralement il n’y a pas de trahison.

N.L. : C’est lui qui ne veut pas ! [rires]

 

« Être un homme c’est se dire la vérité. Quand tu es sincère et que tu as assez de courage pour dire la vérité, alors tu es un homme », Nabil

 

P. : Quel est votre plus beau moment d’amitié ?

N.L. : La Thailande.

N.H. : Il y en a trop. Il s’est passé trop de choses. On s’est retrouvé dans plein de villes différentes. Ça a crée énormément de souvenirs. Il s’est passé des trucs fous aussi.

N.L. : Quand je vais mal, la deuxième personne que je vais appeler après mon psy, c’est Nabil. Il aura toujours les mots pour me rassurer, me comprendre. Il va faire une petite vanne. Il sait les mots qu’il faut utiliser pour que je me sente bien.

N.H. : C’est réciproque.

P. : Nabil, vos chansons parlent de sujets forts comme l’amour, l’amitié, mais aussi la masculinité dans toutes ses expressions. Qu’est-ce qu’être un homme en 2023, selon vous ?

N.H. : Être un homme c’est se dire la vérité. Quand tu es sincère et que tu as assez de courage pour dire la vérité, alors tu es un homme.

P. : Votre premier single intitulé ‘Le garçon du quartier’ était-il un acte de courage ? Comment avez-vous vécu sa réception par le public ?

N.H. : Je ne sais pas si c’était un acte de courage, mais c’était quelque chose que j’avais envie de faire, foncièrement, depuis très longtemps. Et surtout, j’avais déjà fait le travail avant. Peut-être que si j’avais sorti cette chanson il y a 20 ans, j’aurais eu besoin de ce courage.

P. : Pensez-vous qu’il soit important de faire passer des messages à travers votre musique ?

N.H. : C’est primordial pour que les milieux artistiques ne meurent pas, que les gens puissent continuer de dire ce dont ils ont envie sans être bridés, sans qu’on les en empêche, sans qu’on les censure. Après on est à une époque dans laquelle on a tendance à aller vers des choses plus faciles, plus lisses parce que ça évite de contrarier pas mal de monde. Mais, il y a toujours un public pour une vérité.

P. : Noémie, vous vous êtes également engagée aux côtés de créateur·rices de mode africain·es. Pourquoi était-ce important pour vous ?

N.L. : C’était important de mettre en avant l’Afrique. Il y a une mode là-bas qui a inspiré énormément de designers. Récemment, on regardait un défilé d’Yves Saint-Laurent, on adore regarder ce genre de défilés-émotions. Yves Saint-Laurent aimait la femme noire, il était inspiré par elle, Jean-Paul Gautier aussi.

N.H. : Ces deux designers t’ont d’ailleurs aimé toi.

N.L. : Ils ont aimé tellement de femmes noires. J’avais envie de parler de la mode en Afrique, de ce qu’elle a inspiré aux gens, de la variété des tissus qu’on peut y trouver. Iels ont quelque chose avec le vêtement. C’est surtout Loza Maléombho, Selly Raby Kane qui parlent de la mode, de la culture, de l’histoire de l’Afrique dans un vêtement. Iels ont aussi le droit qu’on parle d’eux autant qu’on parle d’un·e grand·e designer français·e ou anglais·e. Les tissus sont fabriqués à la main, à un prix moins élevé qu’en France, le coton est pur, 100% bio. Il y a une vraie industrie là- bas. D’ailleurs, tout le monde y va maintenant. On y fait de grands défilés, notamment au Sénégal. Chanel en a organisé un. Il est primordial de donner de la couleur et de l’importance à ces pays et de montrer qu’il y a un fléau autour du recyclage des vêtements car les pays occidentaux les envoient là-bas, ce qui crée de la pollution…

 

« De mon point de vue, il y a un truc extraordinaire en banlieue : il n’y a pas de différence. », Noémie

 

P. : En tant que mannequin de couleur, votre expérience dans la mode fut singulière..?

N.L. : À l’époque il n’y avait pas de noir·es. Un jour j’ai fait une interview et on m’a dit que c’était à la mode. Une mode, c’est 10 ans. J’aimerais que ça ne soit pas juste une mode, mais quelque chose de normal. On mérite toustes d’être traité·es à la même enseigne.

P. : Quel rapport entretenez-vous avec vos racines respectives ?

N.H. : C’est la banlieue.

N.L. : Nous on est plus de la banlieue. J’ai toute la famille du côté de ma mère qui est de la Réunion. Mon père est corse. J’ai gardé mes ami·es de la banlieue (le 91). Ma mère et mon frère vivent toujours dans la ville où j’ai grandi. C’était une époque de dingue quand on habitait dans le quartier.

N.H. : C’est ce qui nous a rapproché aussi, quand elle m’a vu débarquer à New York. À l’époque j’assistais un coiffeur, on préparait les filles. Je connaissais Noémie, c’était la fille de banlieue qui était devenue top model aux États-Unis. Elle m’a vu passer et elle m’a dit : « Toi, t’es Français ! ». Et puis on a discuté.

N.L. : De mon point de vue, il y a un truc extraordinaire en banlieue : il n’y a pas de différence. Moi je suis métisse, donc je suis ni noire, ni blanche, je suis au milieu. La question des origines ne se posait même pas. C’est seulement quand je suis arrivée dans l’industrie que j’ai compris qu’on était toustes différent·es. Avant cela, je ne me souviens d’aucun moment de racisme.

P. : Qu’est-ce que vous admirez le plus l’un·e chez l’autre ?

N.H. : Moi c’est son coeur. Elle a trop le coeur sur la main.

N.L. : Ses convictions, et surtout cette façon qu’il a, quand il commence quelque chose, d’aller jusqu’au bout. Lui, il va persister. C’est un don d’être perfectionniste et d’être passionné. J’aimerais bien, moi, être aussi passionnée.

N.H. : Mais tu es passionnée !

N.L. : J’ai fait deux documentaires. Pendant un an, j’étais passionnée mais ensuite je suis passée à autre chose. Lui, il va rester. Donc moi c’est le grand coeur. Je sais pas si c’est très utile. Ça servira là-haut.

 

P. : Êtes-vous prête à monter sur scène aux côtés de Nabil, Noémie ?

N.L. : Olala, le trac. Parce que lui n’a pas le trac, et pourtant j’ai fait des défilés en string devant des millions de personnes mais là, je ne sais pas pourquoi j’ai le trac. Peut-être parce que c’est un univers, un monde que je ne connais pas. Imaginer à 45 ans, faire quelque chose que vous avez jamais fait de votre vie.

P. : Quelle sera la suite pour vous, Nabil ?

N.H. : Ça je ne sais pas ! C’est écrit, mais je n’ai pas encore la réponse.

P. : Merci Nabil et Noémie !

 

Propos recueillis par PK Douglas

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