ET SI ON LAISSAIT LES FEMMES AFRO-PARISIENNES S’EXPRIMER ?

Crédits : Sébastien Vincent pour Paulette Magazine ; Éliane, 38 ans, productrice et CM, et Hugues, 40 ans, photographe et réalisateur
Soul Sisters, c’est le nom de cette nouvelle web-série dans un salon de coiffure afro où, au cours de plusieurs épisodes, le duo Éliane et Hugues Lawson Body donne la parole à des Parisiennes venues se faire coiffer. Version féminine du Barber Show, qui débute sa troisième saison le 18 octobre, Soul Sisters est une série drôle, originale, pertinente et surtout, ultra efficace. Rencontre avec les deux penseurs de ce concept qui cartonne sur le web.  

Premier épisode de Soul Sisters disponible sur YouTube


Comment est né le Barber Show, cette émission décalée dans un salon de coiffure afro à Paris, près de Strasbourg Saint-Denis ?

Hugues : Tout a commencé il y a 6 ans, j’étais à la recherche d’un coiffeur pour une carte de vœux un peu originale… J’avais l’ambition d’écrire dans ma tête, dans mes cheveux : « Bonne Année » (Rires). Il me fallait donc un coiffeur assez adroit et malin. Un copain m’a présenté Babs, qui est devenu mon coiffeur. Et j’ai découvert sa bande d’amis, mais aussi cette ambiance drôle, explosive… De quoi avoir l’envie de poser une caméra. Et puis j’ai embarqué ma sœur Éliane dans ce projet ! Dès le départ, ce qui nous intéressait, c’était de garder le naturel des discussions dans ce salon, même avec une caméra. 

Quel est le principe du Barber Show ? Aucun comédien ? Qui sont ces clients et ce coiffeur hors du commun ? 

Hugues : Le fait qu’ils ne soient pas comédiens donne toute cette richesse à l’émission. Rien n’est écrit, la spontanéité est présente, on se fait très vite oublier par les coiffeurs et les clients. On lance juste des thématiques d’actualité. Comme en stand-up, ils s’approprient les sujets et ils nous oublient ! 

« Soul Sisters, comme le Barber Show, c’est bien plus qu’un salon de coiffure afro, c’est un véritable temple de la discussion et du débat. » Éliane

La nouveauté, c’est Soul Sisters, la version féminine du Barber Show. Ça se passe toujours dans un salon de coiffure, mais avec des femmes. Peut-on dire que cette émission est le contrepoint féminin du Barber Show  

Éliane : Barber Show, c’est un groupe d’amis déjà constitué, même s’il y a aussi des femmes qui vont chez Babs. Pour Soul Sisters, c’était plutôt la rencontre avec Djey, chez qui nous sommes en ce moment, la coiffeuse de la plupart de mes amies. Le but n’était pas de répondre au Barber Show, mais de montrer son univers, ses amies, débattre avec elles. Il n’y a pas que des Afros chez Djey, tu peux voir des Caucasiennes avec les cheveux roses, des filles avec des locks, des nattes. Djey est une magicienne, elle maîtrise tous les cheveux ! Soul Sisters, comme le Barber Show, c’est bien plus qu’un salon de coiffure afro, c’est un véritable temple de la discussion et du débat. Même dans l’intime ou le grave, ce n’est jamais lourd, les gens ne sont pas jugés.

On dit souvent qu’à Paris, on débat de l’actu au café. Est-ce que là, vous cassez les codes en plantant la discussion dans un salon de coiffure ? En quoi est-ce original ? 

Éliane : Dans un salon de coiffure afro, ce qu’il faut savoir, c’est que l’on vient très régulièrement. Le cheveu afro nécessite un entretien, par exemple, on doit venir tous les trois jours si l’on veut garder une tête rasée. Pour les nattes, il faut venir régulièrement faire des soins. La couleur, pareil, il faut l’entretenir. On y passe beaucoup de temps… Dans l’agenda, il y a les ongles, la beauté, mais la coiffure, pour les Afros, c’est comme la seconde maison, on doit se sentir bien. C’est universel en plus, c’est partout dans le monde, on a toutes ce besoin-là. Pour faire des tresses sur toute une tête, ça peut durer 5 à 7 heures (Rires) ! 

Quelles sont les limites de vos émissions, le Barber Show et Soul Sisters ?

Hugues : Il n’y a pas de limites, mais on met quelques filtres, Éliane et moi.

Éliane : Le point commun entre nos deux programmes, c’est notre regard qui reste le même. Nous ne sommes pas là pour polémiquer. L’idée, c’est d’être bienveillant et surtout, d’oublier les clichés. Je crois que c’est pour cela que l’aventure continue, on respecte ces personnes, leurs opinions, elles sont libres.

 « On a juste pris nos vies de bobos afro-parisiens et on les fait passer par le prisme du salon de coiffure, là où les discussions se font. » Hugues

À qui s’adressent ces programmes YouTube ? Est-ce seulement pour les Parisiens ou Parisiennes ?  

Hugues : Franchement, ça s’adresse à tout le monde ! J’ai le sentiment que les deux programmes se complètent et ils parlent à tous. On a juste pris nos vies de bobos afro-parisiens et on les fait passer par le prisme du salon de coiffure, là où les discussions se font. 

Éliane : Disons que dans un salon de coiffure, on n’entre pas totalement parfaite, et on ressort sûre de soi, plus belle. Ça aide dans la prise de parole, on s’assume mieux lorsque l’on se sent belle. Je peux même revenir à la question de base sur l’origine du Barber Show ou de Soul Sisters. C’était une évidence. Étrangement, la réalité fait que les femmes afros, métissées, issues de la diversité, sont peu vues dans les médias, en tout cas très peu entendues. Alors qu’on a énormément de choses à dire ! Dans Soul Sisters, on peut voir des femmes françaises avec des origines multiculturelles qui s’expriment – une femme afro, ça ne veut rien dire en soi. Des jeunes femmes viennent à la fois du Sénégal et de la Côte d’Ivoire, ça équivaut à une Russe espagnole ! Le métissage est déjà là (Rires) ! Elles sont toutes elles-mêmes dans plusieurs cultures, du coup, le débat est d’autant plus riche et intéressant. 

Crédits : Sébastien Vincent pour Paulette Magazine

Dernière question, Hugues, comment décrirais-tu Éliane ?

Hugues : Alors c’est simple, ma sœur n’a pas de défaut (Rires). Je connais les miens, mais pas les siens. Elle a une personnalité forte, elle est Balance. Pertinente, elle va à l’essentiel et elle est un peu mon Yang dans le business. Je suis plus artiste alors qu’elle est pragmatique, terre à terre, et parfois elle peut s’envoler pour une paire de Jordans (Rires) ! 

Éliane : C’est mon grand frère, de deux ans et demi, artiste dans l’âme, sa sensibilité, je ne l’ai pas. Son monde est particulier, c’est sa force, il est talentueux, je respecte infiniment son travail. Hugues est super généreux, humain, les gens se confient facilement à lui. Pour finir, on ne fait jamais rien l’un sans l’autre, même si notre duo est volcanique ! 

Un mot de la fin, pour les Paulette ?

Hugues : On peut vous dire que l’on est excités par la nouvelle saison du Barber Show, surtout après ces mois de travail. On attend vraiment de voir les réactions du public, voir si notre pari est gagnant. Merci à toute l’équipe qui nous suit depuis 5 ans !

Éliane : On est originaires du Togo et du Ghana, et ce que j’aimerais ajouter, c’est que le coiffeur pour nous, c’est partout. Il fait partie de l’iconographie de la vie, en général. Pourquoi la coiffure est importante pour nous ? C’est une forme de déclaration, les Afros sont souvent dénigrés pour leurs cheveux durs, rêches, incoiffables… Je ne suis pas féministe, mais je suis militante pour le droit des femmes. Soul Sisters, c’est ça aussi, valoriser les cheveux des femmes afros ! 

 

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