Christine and the Queens, « I see you, I hear you, I feel you »

Avec "Paranoïa, Angels, True Love", Chris offre à celleux qui sont prêt·es à le recevoir, son geste le plus authentique et le plus lumineux.

Poétique, l’œuvre de Christine and the Queens se démarque avant tout par sa quête constante d’authenticité. Un désir ardent d’expérimenter, de repousser les limites pour se connaître et se sauver.

Christine & the Queens © Paolo Roversi
Christine & the Queens © Paolo Roversi

Se voir enfin, sans rien dire

Ma rencontre artistique avec Christine and the Queens, a eu lieu un soir de 2014. Il assurait la première partie d’un concert de Stromae. Je ne connaissais pas encore son travail. Il était là, veste de costume à l’envers, boutons à l’arrière, faisant résonner les notes de « The Loving Cup » en affirmant : « Avec du style, tout passe ». Je pourrais raconter combien le projet de Christine à jalonner mon parcours, comment « Chaleur Humaine » a apaisé mon adolescence, comment son deuxième album, avide de désir et de bétons mouillés, a été le parfait reflet de ma découverte du monde extérieur, de la nuit, des premiers émois, des premiers désirs ou encore comment « People I’ve Been Sad » , a été la démonstration ultime de cette résilience post-chagrin. Puis, plus récemment, l’époque du gant rouge, le « Red » expérimental, la quête de soi, toujours là, omniprésente. Se voir enfin, sans rien dire, jusqu’à ce nouveau projet : « Paranoïa Angels True Love » que Christine and the Queens nous donne aujourd’hui.

Christine & the Queens © Jasa Muller
Christine & the Queens © Jasa Muller
Christine & the Queens © Jasa Muller
Christine & the Queens © Jasa Muller

L’album transcende l’amour, le pardon et la quête.

Ce nouvel album est le second volet d’un geste opératique qui a débuté avec l’album « Redcar les adorables étoiles » en 2022″, préface l’artiste. « S’inspirant directement de la splendide dramaturgie de « Angels in America », pièce de théâtre culte de Tony Kushner, Redcar est coloré et absurde comme Prior, qui dans la fièvre de son agonie se retrouve propulsé dans une dimension onirique. La suite, « PARANOÏA, ANGELS, TRUE LOVE », est la clé de cette transformation à cœur ouvert, une prière pour le soi, celui qui respire et prend vie à travers tous les amours dont il est composé. Christine & the Queens de préciser avec poésie : « L’agonie de Prior dans « Angels in America » est un dessein profond et douloureux, une faille lumineuse dans le temps qui permet alors aux anges de s’y plonger et de lui offrir ce qui changera le cours de son destin : le repos dans l’amour véritable.”.

On pourrait trouver « Paranoïa Angels True Love » sombre dans sa production, jouant parfois sur les envolés saturés et les guitares électriques comme sur l’ambitieux « Track 10 » ou « I met an angel », l’un des trois titres en featuring avec Madonna (dans le rôle de Big Eye) . Peut-être sommes-nous tous trop conditionnés par l’amour romantisé, à ne plus en percevoir les tourments, comme l’apprentissage que le sentiment invoque. Pourtant, cet album est comme un chemin vers ce qu’il y a de plus lumineux, il transcende l’amour, le pardon et la quête. Le muscle vocal résonne, percute et les riffs explosent. Quand « Les adorables étoiles » délire, « Paranoia, Angel, True Love » philosophe. Plus proche de « Chaleur humaine » et de « La vita nuova », l’album se veut épique et vertigineux dès le titre d’ouverture comme sur « We Have To Be Friends » . Le travail est titanesque avec vingt titres distillés en trois parties. Les lignes de basses sont assurées, aussi profondes que minimales. Les mélodies, elles, sont hypnotiques et les synthés tourbillonnent comme sur le céleste « Angels Crying In My Bed », créant des moments hors du temps. On peut notamment sur ce point référencer « Shine », « Flowery days », « Full of Life » ou l’apothéose finale du déjà connu « To Be Honest ».

Christine & the Queens © Jasa Muller
Christine & the Queens © Jasa Muller

Une performance portée d’une émotion et d’une force physique intense et vertigineuse

Barcelone, vendredi 2 juin, 00h25. Je me retrouve devant la scène de Primavera pour voir Christine jouer ce nouveau chapitre. « Lords of music, take me there », demande-t-il entre les morceaux. 1h15 d’un poème franc et libérateur, tourné vers les anges qui sont au cœur du projet. Dépouillé, sans danseur comme à l’accoutumé, sans pyrotechnie, ni écran animé. Seulement la musique, la performance de Chris, les mouvements sont rugueux, tant féroces que tendres avec en fin de set, une paire d’ailes sur son dos pour « Lick the Light Out », le moment fort du spectacle qui touche par contagions : « If an angel in power / Decided just to see me / Could I get that much higher? / See me, hear me, feel me ».

Tout au long d’un concert porté d’une émotion et d’une force physique intense et vertigineuse, Red réussit à résonner au-delà de la foule et à toucher les étoiles. Quelque chose de fort, qui résonne encore et qu’on ne cessera d’écouter comme un poème de vie dans les moments incertains.

Article d’Arthur Lefebvre

Vous pourriez aimer...

@PAUL.E

Ce message d’erreur n’est visible que pour les administrateurs de WordPress
Un problème est survenu au niveau de votre flux Instagram.