CE QU’ON A PENSÉ DE « ON AIR » LA CARTE BLANCHE À TOMÁS SARACENO AU PALAIS DE TOKYO

Crédit : Palais de Tokyo.

Présentée au Palais de Tokyo sur près de 13 000 m², l’exposition « ON AIR » confiait carte blanche au plasticien argentin Tomás Saraceno. Reconnu pour ses installations, notamment de formes géométriques, telles que l’Aérocène présenté au Grand Palais dans le cadre de la COP 21, ou que les oeuvres exposées dans les jardins du château de Versailles, Tomás Saraceno a prolongé cette fois-ci ses réflexions sur un thème qui l’a toujours fasciné : les araignées. 

 
Immersive, troublante, appelant à la réflexion, un repli sur soi et sur le monde, l’exposition « On Air » présentée par Tomás Saraceno au Palais de Tokyo, dont le commissariat d’exposition était assuré par Rebecca Lamarche-Vadel, a brillamment clôturé la saison 2018 de l’art contemporain. Dès la première salle, le visiteur est subjugué face à un espace immense présentant un ensemble de toiles d’araignées. Leur configuration, si variée, nous questionne : l’art a-t-il besoin de la main de l’homme pour exister ? Pertinente, cette interrogation se pose devant chaque toile (d’araignée et non de peinture) par lesquelles s’expriment des styles, des lignes, et des structures tant diverses qu’il semblerait qu’elles soient inspirées. Dans cette perspective, et dès les premières minutes, une réponse s’impose : à Buffon qui affirmait que « le style c’est l’homme » Tomás Saraceno répond par la négative. 

Crédit : Courtesy of the artist.

 
L’homme n’est plus au centre du monde, et la nature à elle seule contient assez de force artistique pour suffire à l’univers. Cette déclaration du plasticien nous renvoie à deux éléments fondamentaux. Dans un premier temps, à travers cette disparition de l’humain au profit de l’animal, Tomás Saraceno fait écho à une autre disparition : celle de l’artiste au profit du curateur. Dans un second temps, l’acte même de Saraceno – celle de valoriser d’abord les toiles animales au profit de ses propres oeuvres et en organisant le tout – exprime un parti pris, celle de l’acceptation de cette nouvelle ère de l’art. 
 
Tandis que l’homme disparaît peu à peu, la conscience de l’autosuffisance animale s’accroît, et, nous renvoie au fil des salles à une réflexion plus globale sur l’environnement et l’impact de l’homme sur celui-ci. En effet, une salle tapissée de sacs plastiques à la fin de l’exposition infère qu’aujourd’hui, à l’ère anthropocène, c’est la seule « oeuvre d’art » que l’être humain est capable d’offrir à sa planète. 

Crédit : Palais de Tokyo.

 
Un deuxième aspect de l’exposition a suscité notre intérêt : le mystère de l’humanité. Évoqué à maintes reprises, il est particulièrement visible au sein de la salle du milieu de l’exposition qui nous plonge dans un chaos absolu, et nous laisse abasourdie par des bruits d’un autre temps. Ce temps, c’est celui des premiers hommes, lors duquel notre espèce n’avait ni lumière ni électricité. Les visiteurs s’asseyaient là, quelques minutes, devant le peu de lumière projetée, semblable à un cosmos reproduit à la dimension du musée, et concevaient à la fois la grandeur de cette espèce, mais aussi sa vanité. Par contraste, le plasticien présente à la suite des ensembles d’inventions sous une forme quasi encyclopédique pour souligner l’évolution technologique de l’homme. De plus, ce mystère tant recherché de l’humanité est également évoqué par l’artiste à travers des procédés qui dévoilent l’impact insoupçonné que chacun laisse sur son passage. Cet impact sur la nature, à travers nos souffles, nos pas, enverraient des « messages » qui peuvent être traduits en mouvement ou en ultrasons qui prennent des tons mélodieux une fois sollicités de concert. 

Crédit : Palais de Tokyo.

 
Finalement, à travers l’analyse et la remise en valeur d’un être si petit, l’araignée, nous pouvons atteindre et saisir davantage l’infiniment grand dans une sorte de lien indéfectible entre macrocosme et microcosme. Si l’araignée a été autant chantée par des écrivains, poètes et penseurs, c’est également car elle révèle par ses toiles les liens existants et si fragiles qui nous unissent à notre prochain, à notre espèce, aux animaux, à la terre et aux étoiles
 
 
> Article de Yasmine Lahrichi

 

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