Basquiat x Warhol, retour sur une joute artistique devenue iconique

PAUL·E était au vernissage de « Basquiat x Warhol, à quatre mains », l’exposition événement de ce début de printemps, à visiter jusqu'à la fin de l'été à la Fondation Louis Vuitton à Paris.

© Fondation Louis Vuitton
© Fondation Louis Vuitton

Le clou du spectacle ? 160 toiles en tandem parmi les plus célèbres de deux artistes que tout opposait a priori. L’un, peintre blanc établi, père du pop art, né en 1928, évoluant depuis les années 60 dans la jet set new-yorkaise et au firmament de sa célébrité dans les années 80. L’autre, jeune artiste noir de 24 ans, d’origine haïtienne et portoricaine, issu de l’univers du street art (SAMO), et dont le succès fulgurant mais encore fragile témoignait de sa difficulté à se faire une vraie place dans le monde de l’art dominé par un regard eurocentré.

Jean-Michel Basquiat, Andy Warhol, 6.99, 1985
Jean-Michel Basquiat, Andy Warhol, 6.99, 1985

Chronique d’un succès à retardement

Au gré d’une enfilade de tableaux, photographies, objets intimes, œuvres multimédias et témoignages audiovisuels — plus de 300 au total, l’exposition « Basquiat x Warhol, à quatre mains » permet d’embrasser toute la complexité et la profondeur de cette collaboration, qui était finalement écrite dans les cartes — ou finement fomentée. Selon la légende (assez bien documentée), c’est après moult rencontres « fortuites » et furtives que Jean-Michel Basquiat et Andy Warhol sont officiellement présentés l’un à l’autre. Ce tête à tête donnant naissance à un premier chef-d’oeuvre : la célèbre toile intitulée « Dos Cabezas » peinte le jour même par Jean-Michel Basquiat, inspirée d’un polaroïd auto-portait du duo d’artistes pris sur le vif à l’occasion. On apprend aussi, au détour d’une salle d’exposition, que leur conversation artistique commença d’abord sous forme de trio, incluant l’artiste mondialement connu, Francesco Clemente. Certaines de ces toiles à 6 mains sont également exposées, en correspondance avec des images et des photographies d’archives, à l’instar d’oeuvres signées Keith Haring, Jenny Holzer, ou encore Futura 2000.

Le mariage de deux extrêmes

Cette exposition exhaustive permet d’appréhender le ping-pong entre l’esthétique Americana d’Andy Warhol et la dialectique artistique politique, revendicatrice, voire révolutionnaire de Jean-Michel Basquiat évoluant dans une Amérique hostile. Si certains diront qu’Andy Warhol s’est servi de Jean-Michel Basquiat pour redonner un nouveau souffle à sa pratique et sa carrière. Ce n’est sans compter sur l’obsession légitime du jeune Basquiat de se faire accepter et respecter par l’establishment de l’époque, se servant de Warhol, comme l’ont suggéré d’autres, afin d’assoir sa légitimité.

Les premières critiques de l’exposition « Warhol x Basquiat, Paintings » seront cependant acerbes, et préjudiciables en majorité pour le jeune artistique noir-américain décrit comme la mascotte de Warhol, un simple artiste graffeur, à l’art primitif et naïf. Montrant ainsi l’incompréhension, teintée de racisme des commentateur·rices de l’époque, clairement incapables de comprendre qu’une œuvre de Jean-Michel Basquiat ne se regarde pas, mais se lit à travers le prisme d’un labyrinthe de références à son vécu, son obsession pour l’anatomie humaine, son double héritage culturel haïtien et portoricain (il était trilingue), sa révérence envers l’art africain (tant copié et sorti de son contexte par les modernistes européens), sa connaissance académique de l’art occidental, son antiracisme décomplexé et son humour.

© Fondation Louis Vuitton
© Fondation Louis Vuitton

Un tournant dans l’histoire de l’art contemporain

« Basquiat x Warhol. Peinture à 4 mains » est la plus importante exposition jamais consacrée à cet extraordinaire corpus d’œuvres. Organisé par Dieter Buchhart et Anna Karina Hofbauer, en partenariat avec Olivier Michelon, conservateur à la Fondation Louis Vuitton, cet itinéraire artistique retrace avec soin les parcours collectifs et individuels des grands noms de l’art contemporain ayant contribué à l’énergie créative de la scène artistique de Downtown, New-York, dans les années 1980. Enrichie et ponctuée de photographies, dont la célèbre série « Boxing Gloves » de Michael Halsband réalisée pour l’affiche de l’exposition Jean-Michel Basquiat et Andy Warhol en 1985, l’exposition révèle toute l’effervescence d’un microcosme qui a façonné notre regard sur l’art contemporain.

« Basquiat x Warhol, à quatre mains » est une exposition à ne surtout pas rater pour qui souhaite admirer les chefs-d’œuvre de deux génies, dont l’un — Jean-Michel Basquiat — n’est exposé dans aucun musée public.

Vous pourriez aimer...