10 ŒUVRES D’AUTRICES NON-BLANCHES À LIRE POUR DÉCONSTRUIRE SA PENSÉE

Angela Davis. Crédit : Wikipedia

L’ignorance nourrit le racisme. En tant que Blanc.he, pour déconstruire sa pensée et anéantir les biais inévitables qui la polluent, il faut d’abord reconnaître ses privilèges. Puis, apprendre, lire, laisser la parole et écouter. Voici dix titres issus des recommandations du mouvement Black Lives Matter, de la journaliste Laurianne Melierre et de la traductrice d’oeuvres américaines Céline Leroy, publiées plus ou moins récemment sur les réseaux sociaux, et dont les noms sont précisés sous chaque description. Une liste non-exhaustive, qui ne représente qu’un premier pas dans le processus pour devenir ce que l’on appelle un.e allié.e.

So You Want to Talk About Race, d’Ijeoma Oluo

Pour celles et ceux qui ne sauraient pas comment entamer ces conversations, l’autrice américaine Ijeoma Oluo livre un essai généreux sur la façon d’être honnête et réfléchi.e en examinant non seulement le racisme dans le monde, mais aussi le rôle des Blancs dans ce domaine. Un ouvrage qui permet de confronter les autres – au sein de son cercle familial, professionnel et amical – et, surtout, de se confronter soi et ses propres biais racistes, inévitables dans une société où être blanc.he demeure la norme. 

So You Want to Talk About Race, d’Ijeoma Oluo, ed. Seal Press. Un livre recommandé par le mouvement Black Lives Matter.

Le racisme est un problème de Blancs, de Reni Eddo-Lodge

Dans la traduction française de l’ouvrage Why I’m No Longer Talking to White People About Race, l’essayiste britannique Reni Eddo-Lodge, aborde les questions suivantes :  Pourquoi les Blanc.he.s pensent-ils ne pas avoir d’identité raciale ? Pourquoi la simple idée d’un James Bond noir fait-elle scandale ? Comment une petite fille noire en vient-elle à se persuader qu’en grandissant, elle deviendra blanche ? 

Un regard sur l’histoire des Noir.e.s en Grande-Bretagne basé sur un billet de blog publié en 2014 par l’autrice, dans lequel elle démonte des affirmations largement répandues, et martèle : le racisme est systémique, entretenir la légende d’une égalité universelle est nocif. Et pour le déconstruire, il faut d’abord reconnaître l’étendue du privilège blanc.

Le racisme est un problème de Blancs, de Reni Eddo-Lodge, ed. Autrement. Un livre recommandé par le mouvement Black Lives Matter.

Le Dérangeur, du collectif Piment

Piment est un collectif composé de quatre spécialistes et passionné.e.s des cultures noires (Célia Potiron, Christiano Soglo, Binetou Sylla et Rhoda Tchokokam), dont l’émission est diffusée un samedi sur deux à 13 heures, sur les ondes de Radio Nova. Du côté de leur compte Instagram, entre deux extraits de leurs multiples interviews, il et elles recommandent des livres d’autrices et d’auteurs noir.e.s francophones ou anglophones qui les ont marqués. 

Le 28 mai, ils ont sorti Le Dérangeur, un lexique qui propose de nouvelles définitions à des mots et expressions contemporaines ou désuètes. “Un véritable guide de survie dans une société dite post-coloniale”, précise Hors d’atteinte, leur maison d’édition. Un exemple pour la route : “Ami noir : Généralement utilisé comme gilet pare-balles dans une conversation stérile. Exemple : ‘Je ne peux pas être raciste, j’ai un ami noir.’”

Le Dérangeur, Piment, ed. Hors d’atteinte.

Ne reste pas à ta place ! Comment arriver là où personne ne vous attendait, de Rokhaya Diallo

La journaliste Rokhaya Diallo raconte le parcours, à mi-chemin entre autobiographie et guide de développement personnel, d’une femme qui réussit à sortir de la condition que la société lui prédestine, grâce à ses propres ressources mais aussi aux rencontres qu’elle fera (et saura provoquer) au cours de sa route. Dans une interview pour Terrafemina à l’occasion de la sortie du livre, elle explique : “Le racisme est une idéologie politique et historique, ce n’est pas une question de bien et de mal. C’est un pays qui a été fissuré par une histoire, par l’esclavage, et cela a encore des conséquences aujourd’hui.”

Ne reste pas à ta place ! Comment arriver là où personne ne vous attendait, de Rokhaya Diallo, ed. Marabout. Un livre recommandé par la journaliste Laurianne Melierre, sur son compte Instagram.

Jeune fille modèle, de Grace Ly

Le roman donne la parole à une enfant de la seconde génération des Asiatiques de France. Il s’agit du premier dans le genre. On y suit Chi Chi, une jeune fille comme les autres à quelques détails près : elle ne ressemble pas à celles qu’on trouve dans les magazines et le principal de son lycée n’a de cesse d’écorcher son nom lors de l’appel.

“Chi Chi aurait préféré s’appeler Marie, Isabelle ou Sophie”, écrit Grace Ly, dont c’est le premier roman, aussi co-animatrice du podcast Kiffe ta race aux côtés de Rokhaya Diallo. Un récit qui met en lumière les expériences liées à la double culture en France et l’absence d’une partie de l’histoire (la sienne, à Chi Chi, descendante de “Chinois du Cambodge”) dans les livres scolaires. 

Jeune fille modèle, de Grace Ly, ed. Fayard. Un livre recommandé par la journaliste Laurianne Melierre, sur son compte Instagram.

Identités françaises. Banlieues, féminités et universalisme, de Mame-Fatou Niang

“Identités françaises interroge les notions de périphérisation et d’identité nationale à travers une étude de discours sur les banlieues françaises. L’exploration du quotidien, au détriment de l’extraordinaire, invite le lecteur à reconsidérer les représentations des périphéries, et les processus qui créent citoyenneté et marginalité dans la France républicaine”, détaille la quatrième de couverture. 

Dans son ouvrage, l’autrice et maîtresse de conférence franco-sénégalaise Mame-Fatou Niang insiste sur les expériences des femmes dans les oeuvres dédiées aux périphéries, et éclaire leurs parcours en marge de la société, aussi bien d’un point de vue socio-économique que racial. Une étude intersectionnelle qui décrypte la pluralité des banlieues françaises. 

Identités françaises. Banlieues, féminités et universalisme, de Mame-Fatou Niang, ed. Brill. Un livre recommandé par la journaliste Laurianne Melierre, sur son compte Instagram.

Femmes, race et classe, d’Angela Davis

L’historienne et militante Angela Davis analyse les liens parfois conflictuels entre le féminisme et les luttes d’émancipation du peuple noir, aux XIXe et XXe siècles. Elle démontre que pour que ces dernières soient victorieux.se, la solidarité leur est indispensable. Elle décortique également les différents éléments de sa propre identité, qu’elle refuse d’opposer et “affirme que les oppressions spécifiques doivent être articulées à égalité pour dépasser les contradictions et mener un combat global contre le système capitaliste au fondement de toutes les exploitations”, développe l’éditeur. Un ouvrage qui résonne au sein des discussions sur le féminisme intersectionnel. 

Femmes, race et classe, d’Angela Davis, ed. Des femmes.

Discours sur le colonialisme, d’Aimé Césaire

“Le fait est que la civilisation dite ‘européenne’, la civilisation ‘occidentale’, telle que l’ont façonnée deux siècles de régime bourgeois, est incapable de résoudre les deux problèmes majeurs auxquels son existence a donné naissance : le problème du prolétariat et le problème colonial”, entame Aimé Césaire, seul auteur de cette liste. Un ouvrage majeur pour comprendre les ravages de la colonisation, ainsi que le racisme systémique qui s’est construit au sein de la république française, et perdure encore aujourd’hui. 

Discours sur le colonialisme, d’Aimé Césaire, ed. Présence Africaine.

Les Moissons funèbres, de Jesmyn Ward

En quatre ans, cinq jeunes hommes de l’entourage de l’autrice sont morts dans des circonstances violentes. “Ces décès n’avaient aucun lien entre eux si ce n’est le spectre puissant de la pauvreté et du racisme qui balise l’entrée dans l’âge adulte des jeunes hommes issus de la communauté africaine-américaine”, lit-on. Dans cette oeuvre de non fiction, Jesmyn Ward recoupe leurs destins avec l’histoire de sa propre famille, aussi issue du Mississipi, au sud des Etats-Unis. 

Les Moissons funèbres, de Jesmyn Ward, ed. du Globe. Un livre recommandé par la traductrice Céline Leroy, sur Twitter.

Jouer dans le noir : blancheur et imagination littéraire, de Toni Morrisson

“La race, c’est essentiel pour définir un individu d’un point de vue politique et social”, affirme à Télérama Toni Morrison, lauréate du prix Nobel de la littérature et du prix Pulitzer. “Mais, en même temps, c’est un critère vide, qui n’a pas davantage de sens que le sexe ou la couleur des yeux : la race ne dit rien de la personne que vous avez en face de vous.” 

Son livre Playing in the Dark: Whiteness and the Literary Imagination (Jouer dans le noir: blancheur et imagination littéraire, en français), est l’adaptation à l’écrit d’une série de conférences sur le roman américain, qu’elle a tenues à Harvard en 1990. Elle y analyse le rôle et la place réservés au personnage noir dans les œuvres américaines (Hemingway, Poe, Twain…) et, plus généralement, la façon dont s’est bâtie l’identité blanche américaine au fil de l’histoire littéraire.

Jouer dans le noir : blancheur et imagination littéraire, de Toni Morrisson, ed. Harvard University Press. Un livre recommandé par la traductrice Céline Leroy, sur Twitter.

Article de Pauline Machado

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