C’EST MA DERNIÈRE FÊTE DES MÈRES AVANT D’ÊTRE MAMAN, ET J’ESPÈRE QUE JE SERAI À LA HAUTEUR

Je suis joie et je flippe, je flippe et je suis joie. Heureusement, en plus d’être en couple avec une personne extraordinaire (exagération minimale, cheesiness maximale), j’ai un modèle de taille : ma mère.

J’ai toujours voulu des enfants. Beaucoup. Par choix, parce que j’ai grandi dans une fratrie de trois tellement soudée que j’avais envie de reproduire ce cocon que je trouve rassurant et chaleureux. Un jour ma petite sœur m’a dit qu’elle n’avait jamais vraiment vécu de quête d’identité parce qu’elle savait qu’elle appartenait déjà à un groupe : le nôtre. Une chance dont on est tous les trois conscients, qui nous définit (sans être évidemment la seule option qui vaille), et qui a fondé en moi un schéma plutôt désirable pour le futur.

Ce dimanche c’est la fête des mères et elle a un goût tout particulier : c’est la dernière que je passe en tant que fille uniquement. L’année prochaine, je connaîtrai moi aussi le bonheur de pouvoir prétendre un jour à un collier de pâtes desséchées ou à un dessin approximatif orné d’un « bonne fête maman » et de ses gribouillages « artistiques », comme je le présenterai sûrement à mon tour à mes potes perplexes.

C’est un peu étrange comme sentiment, comme passage. Même si 28 ans n’est pas un âge incohérent pour être mère, j’ai encore du mal à m’imaginer dans quelques mois avec une petite chose qui grandira sous nos yeux ébahis et dont on aura l’entière responsabilité. Pour l’instant, le truc le plus important à ma charge étant une paire de cuissardes Stuart Weitzman, je pense être loin du compte niveau vague d’émotions intenses au quotidien ; mes bottes ne m’ont pas arraché de larmes quand elles ont fait leurs premiers pas. Quoique.

Pour fêter l’événement (les mères, pas les chaussures), je passe la journée avec la mienne. Et en la regardant parler toute seule comme à son habitude, je me demande si je serai à la hauteur. C’est bête mais quand on se rapproche du rôle, on commence à réaliser l’importance du sien sur notre vie, et là encore, je pense avoir tiré le gros lot. D’accord rien n’est parfait et vous allez peut-être dire que mes hormones me transforment en boule de miel (réflexion qui vaut un « t’es énervé parce que t’as tes règles ? », donc peu recommandable), mais c’est vrai, ma mère est une super-héroïne.

Elle a certainement passé 80% de son temps à se demander si ses choix d’éducation étaient les bons et pourtant elle nous a toujours fait nous sentir en sécurité, comme si rien ne pouvait nous arriver – ou du moins rien d’autre que de tomber dans un ruisseau ou de pousser son frère par la fenêtre, mais ce furent des actions totalement indépendantes de sa volonté. Et mon frère va bien. Enfin je crois.

Elle a lu tous les Guides du routard du monde pour nous emmener dans des petits villages perdus qui nous faisaient râler jadis mais qui nous passionnent désormais, elle nous a filé son goût pour l’aventure (elle a fait Autriche-Grèce en stop en espadrilles à 19 ans pour revenir en région parisienne des semaines plus tard, les cheveux rasés, un Gallois à un bras, un chien à l’autre), pour le rock (fan absolue des Clash), pour la bouffe (déesse de la blanquette de veau), pour la danse (elle bouge en levant le doigt en l’air, un mouvement reconnaissable parmi mille).

Elle nous a offert bien malgré elle une source infinie de gentilles moqueries que l’on puise dans ses manies et dans ses tics de langage. Elle a tenu le cap en temps de grosses crises. De très grosses crises. Elle a réussi – en étroite collaboration avec notre père – à faire de trois microbes chauves jusqu’à 3 ans des adultes épanouis qui peuvent tout traverser ensemble, que la distance n’éloigne pas et qui se choisiraient très certainement s’ils devaient partir vivre sur une île déserte.

Alors forcément, si ma mère dit qu’elle n’a rien fait de plus qu’une autre, moi j’ai du mal à me convaincre que ce soit si simple de faire aussi bien. Non pas que je sois persuadée de foirer plus tard, et si ça arrive, j’aurais toujours l’occasion de rattraper le coup, mais ça a l’air tellement facile chez elle. Et c’est peut-être là-dessus que je me plante, finalement. Être maman n’a peut-être rien de facile. C’est un apprentissage quotidien. On tente, on rate, on recommence différemment. On se nourrit de ceux et de celles qui nous entourent pour se créer sa version à soi de la maternité, en restant bienveillante envers ses propres erreurs. On grandit, on évolue en même temps qu’on élève de minuscules petits humains aux adorables bourrelets de coudes. Et on essaie de les accompagner comme on peut dans une vie qu’on leur souhaite riche, pleine d’amour, et dénuée des peines qu’on a connues. A la fois un boulot ordinaire et impressionnant, une mission évidente et éprouvante.

Aujourd’hui, plus que n’importe quel autre jour, je pense à toutes ces petites choses, imperceptibles à l’époque, qu’elle a réalisées pour qu’on pousse le mieux possible. A tous ces moments qu’elle a su laisser suspendus ou non. Où elle a piqué des crises qu’on ne comprenait pas petits mais qui me paraissent bien plus claires maintenant (appeler ses trois gosses pendant 30 minutes tous les soirs pour qu’ils daignent enfin lever un orteil à la maison semble effectivement insupportable). Où elle a improvisé, où elle s’est trompée, où elle a eu raison. Je me dis que j’ai bien de la chance d’avoir un exemple pareil. Et qu’avec son aide, je trouverai sûrement mes marques plus facilement.

Aujourd’hui, je pense à elle et à mon futur enfant. Et j’espère que j’arriverai à la cheville de ma maman.

Article de Pauline Machado

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