ON A DISCUTÉ AVEC LA FONDATRICE DE « THE SORORITY », L’APPLI QUI PRÔNE BIENVEILLANCE, SORORITÉ ET ADELPHITÉ
The Sorority est une application de bienveillance et de protection, sortie le 31 août. Priscillia Routier Trillard, sa fondatrice, est revenue avec nous sur sa création.
The Sorority est « la première application bienveillante de protection, d’entraide et de partage entre femmes et personnes issues de minorités de genre, dont le but est d’assurer la sécurité et l’épanouissement de touxtes, en activant le lien puissant qui nous unit, celui de la sororité et de l’adelphité ». Maman de deux enfants, Priscillia a simplement voulu ramener de la bienveillance dans notre société. Pour Paulette, elle explique d’où est venue l’idée et le déroulement de la création de The Sorority.
Pouvez-vous vous présenter rapidement ?
Je suis Priscillia Routier Trillard, j’ai 33 ans et je suis maman de deux bébés. J’ai travaillé dans des grosses boites pendant plusieurs années, et j’ai fait mon premier burn-out en 2013. Le second, début 2019, pendant lequel j’ai été arrêtée, et suivie par un médecin traitant qui m’a beaucoup aidée dans ce processus. Elle m’a dit « je te crois et je vais te protéger ». Cet arrêt m’a permis de prendre de la hauteur et de me remettre une question. J’avais un gros poste et j’étais numéro 2 de la branche où on était… Je bossais pour quelqu’un sans avoir de retour et toute mon énergie partait là-dedans. Je me disais « pourquoi je fais tout ça ? Qui on a aidé, qu’est-ce qu’on a fait ? » Et je ne voulais surtout pas y retourner, j’angoissais.
Comment avez-vous eu l’idée de créer The Sorority ?
En mars 2019, en sortant d’un rendez-vous avec ma médecin, je me suis dit : « la bienveillance humaine est sans limite ». Et là, je prends le métro, et je me dis que je suis complètement folle mais que je vois les liens entre toutes les femmes. Si la nana au fond de la rame est en train de se faire tripoter, j’ai qu’une envie : c’est d’aller l’aider. Je me suis alors mise à faire des recherches, et j’ai lu à propos de l’effet de sidération. L’effet de sidération explique que, quand quelque chose d’inattendu se passe devant toi, ton corps va se freezer.C’est un mécanisme de défense : il se met en mode survie et tente de te protéger. Sauf que ça ne te protège pas du tout, ça anéantit tes réactions ! Et puis, je m’intéresse aussi à l’effet spectateur. Clairement, ça dit que plus il y aura de témoins d’une scène, moins il y aura de réactions. Pourquoi ? Parce que quand tu vois la scène, si personne d’autre ne bouge tu te dis que c’est ok pour tout le monde et que c’est trop dangereux. Et en même temps, il y a tellement de personnes autour de toi que tu te dis qu’il y a forcément quelqu’un de plus habilité que toi à agir. Donc, tu attends. Et il est prouvé que si une personne faisait le premier pas, d’autres suivraient. Assez logiquement, je me suis dit que si les gens connaissaient ces mécanismes, peut-être qu’ils agiraient. Donc je réfléchis à tout ça, et je me dis que je veux mettre en place quelque chose et inverser l’effet de sidération. Je me dis alors que je vais créer un outil pour relier toutes les femmes. Et là je pense au téléphone, et à une application. Donc je me lance complètement dedans. Et pendant 3 semaines dans ma cuisine en pyjama, j’écris The Sorority.
Comment avez-vous recruté votre team ?
Une fois passée l’étape de l’idée, je me dis : « bon c’est cool, mais maintenant, je fais comment ? » Je ne sais pas coder, je ne sais pas designer… J’ai une amie graphiste, alors je suis allée la voir. En y allant, je me dis qu’il ne me faut pas qu’un logo, que je veux l’embarquer dans l’aventure avec moi, parce que mon fil rouge c’est l’humain et la bienveillance. Je lui parle de l’idée et direct elle me dit « bah, c’est ouf ». Fanny Chevalier avait rejoint le projet. Ensuite est venu le problème du codage… J’ai dû appeler 5 ou 6 agences, leur ai pitché mes services. Et ça revenait à 100 000 euros. Sauf que je ne pouvais pas. Alors, j’en ai parlé autour de moi, et je suis tombée sur Thibaud Dervily, mon développeur. Je lui ai proposé de nous rejoindre, il m’a dit « banco, c’est une super idée ». Et une de ses connaissances avec qui il bosse bien, Adrien Saulnier, nous a rejoints mais en presta. C’est bon, mi 2019, j’avais l’équipe.
Comment s’est déroulée la création de l’application ?
Fin d’été, on commence à coder. On fait un crowdfunding et on récolte 11 700 euros, ce qui a priori était déjà bien ! On lance la beta pendant le confinement. On a donc pu faire des sessions d’entrainement et avoir nos premiers témoignages – et surtout aider pas mal de nanas*. Fin juin, on lance sur les stores, Android met une demi-journée à nous valider et Apple vérifie que tous nos soutiens sont bien réels. J’ai fini par être validée un dimanche en pleine nuit, le 31 août. Depuis, on a eu la première vague de bug parce qu’on a eu plus de 1500 inscriptions la première journée… Mais là tout est stabilisé, c’est bon ! On a la base qui est assurée. Et on réfléchit à la suite, parce que pour l’instant, il y a seulement 20 % de toutes mes idées.
Pouvez-vous expliquer à nos lecteurs comment fonctionne l’application ?
Il y a plusieurs parties. Déjà : « épanouissement », où on peut échanger. Tu dis ce que tu peux apprendre aux autres et ce que tu recherches à apprendre. « Recherche » permet d’échanger, d’avoir des contacts et des avis… Sinon, il y a la partie « sécurité« . C’était l’urgence. Il y a un bouton d’alerte à toutes les utilisatrices qui sont dans le rayon que tu as choisies. Si tu vois une alerte, tu peux lui envoyer un message sur le chat, l’appeler directement – si elle a laissé son numéro de téléphone, ou la géolocaliser. Le but, c’est d’agir sur l’instant, d’échanger directement avec elle. Tu peux aussi appeler les autorités (mais seulement une fois que tu as toutes les informations et l’accord de la personne). C’est un accompagnement continu en fait. Toujours dans la partie « sécurité », il y a aussi une alarme sonore, le message écran, ou le bouton appel avec tous les numéros d’urgence. Sur « géolocalisation », tu vois toutes les utilisatrices autour de toi. Et pour finir, il y a un chat en one to one.
* Quand Priscillia dit « nanas », elle nous précise qu’elle inclut aussi les personnes qui sont issus de minorités de genre.
Super idée, n’est-ce pas ? Laissons la sororité et l’adelphité gagner ! The Sorority est disponible sur l’Apple Store et le Play Store. Allez, on se retrouve sur l’appli.
Article de Clémence Bouquerod