Maison Pelletier Ferruel, une histoire d’amour dans une soufflerie de verre
“La maison doit être un lieu de jeu, de plaisir et de naissance. Notre univers ne cherche à entrer dans aucune case. Le verre doit s'exprimer, faire famille et oser simplement.”
Aurélie Ferruel et Stéphane Pelletier sont des partenaires bons vivants tant dans leur art que dans leur vie intime. Car chez elleux, tout s’emmêle. Depuis 2019, iels habitent, conçoivent et fabriquent dans leur maison-atelier. Un lieu de création d’objets en verre usuels, décoratifs aux couleurs iridescentes. Iels y sculptent, soufflent et coulent le verre : “Maison fait référence au luxe et à l’artisanat, néanmoins pour nous c’est d’abord un lieu de vie. La famille, les ami·es, les repas, les conversations, l’humour, l’amour et la culture nourrissent le projet.”
Quand on leur demande quelle est leur pièce préférée, iels répondent qu’“il serait trop difficile de choisir. Mais peut-être un espace de la maison comme le salon.” Sur la cheminée, quelques verres à pied, et à la fenêtre, un vase reflète la lumière extérieure et révèle la lavande et le chardon. Mais aussi de nombreux rébus d’atelier en attente. À côté du canapé, se trouvent encore des rébus et une table basse. Sur elle, sont posés un plateau poisson en cristal et un bracelet bras en verre. Mais aussi, un luminaire aux gousses de petit pois. Si on tourne le regard vers la table du dîner, son jumeau est là, mais lui est orné de deux pattes de poulet en cristal jaune suspendus. Demain, il en sera peut-être autrement.
Ces objets vivants et uniques font partie d’une famille très bavarde. Ils passent de l’atelier au salon ou à la chambre, de la conception au vivre-avec pour retourner au feu. C’est un va-et-vient permanent, provoqué et vécu par un couple de créateurs : “La qualité de ces savoirs-faire et la maîtrise de ce verre accompagnent le corps, la bonne bouffe, les belles fleurs, la lumière, non pas pour leur piquer la vedette, non ! Bien au contraire, pour pouvoir les faire parler et les accompagner.”
Aurélie et Stéphane sont un duo d’artistes et un couple. Pas de hiérarchie entre elleux : “Bicéphale à tous les étages”. L’idée vient de l’un ou de l’autre : “Nous refusons le concept de’l’artisan faiseur et du plasticien penseur. On ne veut mettre ni le verrier ni l’artiste plasticienne en avant. Il est important pour nous de conceptualiser l’union qui a généré la maison Pelletier Ferruel. Une intimité collective – plutôt qu’une individualité – au service de la création. Tout se mélange ici. Le partage de nos idées et de nos gestes est fluide, mouvant et constant.” Leur art maintient leur flamme. Iels s’amusent et se séduisent au gré de la création.
Chaque pièce incarne leur proximité. Iels adorent se faire des cadeaux, par exemple. Au petit matin, lorsque l’un·e se lève, iel court chercher dans le four ce qu’iel a fait la veille pour en faire la surprise à l’autre : “C’est comme ça qu’on se surprend, qu’on reste animé·es, et ce qui permet la critique et l’évolution de chaque pièce”. Leur histoire d’amour commence lorsqu’iels se rencontrent lors d’un bal champêtre au fin fond de la Meuse. Le lendemain, iels se baignent dans la rivière éponyme. Quelques mois passent et iels achètent une bâtisse adaptée à leur confort tant familial que professionnel. L’envie d’aménager, de fabriquer leurs objets, de les faire vivre avec elleux se fait naturellement : “ Nous nous servons de notre lieu comme terrain de recherche mais aussi de vie afin de les éprouver avant de les faire partir. Le confinement fut propice aux croquis, aux échanges et à l’expérimentation.”
Leurs inspirations sont issues de l’histoire du verre, de la culture populaire et décorative, de l’histoire de l’art mais aussi des végétaux, des animaux et du corps. “Nous aimons plus que tout regarder avec simplicité ce qui se meut et se transforme à nos pieds, dans le jardin et sur les rives de notre rivière notamment. Non dans un sentiment romantique, mais dans le vivre ensemble, le vivre avec.”, philosophent-iels. L’esthétique de la cuisine des chefs est aussi source d’inspiration pour elleux. L’œuf, le bourgeon, les germes et la peau reviennent constamment comme un fil rouge dans leurs créations.
En 2021, une exposition personnelle au Havre les amène à partager leurs collections au public et à réfléchir à un travail typographique avec Jules Durand. En 2022, French Cliché, un éditeur de design à collectionner, représente un de leurs miroirs et un de leurs vases à Milan ainsi que dans des showrooms parisiens et new-yorkais. Jusqu’en octobre 2023, iels exposent de nouveaux vases ainsi que des bracelets dans une exposition collective, « House of Dreamers » par Anne-Laure Lestage, à la Fondation Boghossian-Villa Empain, en Belgique. En ce moment, le couple réalise sa première table grand format en soufflage et pâte de verre. Et travaille sur une revisite de la parure et de l’ornement classique : “Ces objets nous animent, nous ornent autant qu'ils se proposent à voyager. »
Article d’Imène Besbes pour PAUL.E BOLD FW24.