« Land of Ibeji », la mythologie du double

Issue d’un projet photographique à quatre mains, l’exposition « Land of Ibeji » lève le voile sur la mythologie qui entoure les jumeaux·elles en Afrique de l’ouest, à travers l’objectif complice de la paire de photographes Bénédicte Kurzen et Sanne de Wilde.

Jumeaux Ibeji
© Fisheye gallery

La fascination pour la gémellité et les mystère qui la drape ne datent pas d’hier. Nombreux sont les mythes fondateurs et les contes magico-religieux qui racontent l’histoire de jumeaux·elles…

Jumeaux Ibeji
© Fisheye gallery
Jumeaux Ibeji
© Fisheye gallery

Toi, tu es mon autre

Les Ashvins Nasatya et Dasra (chez les Hindous), les Dioscures Castor et Pollux (chez les Grecs), les fondateurs de Rome Romulus et Remus (chez les Romains) ou encore le mythe platonicien de l’androgynie, à savoir la double nature de l’humanité, sont quelques-unes des légendes les plus connues qui révèlent notre fascination pour la dualité. En Afrique de l’ouest et plus précisément au Nigéria où le taux de gémellité est 4 fois supérieur aux autres pays du monde, l’ambivalence du regard porté sur ce phénomène naturel encore inexpliqué n’est pas anodin. Célébrés dans certaines régions comme persécutés dans d’autres, les couples de jumeaux·elles restent un sujet passionnant qui fait l’objet d’une série photographique « Land of Ibeji », dont les portraits repeints à la gouache et les images rehaussées à l’aquarelle réalisés par Bénédicte Kurzen et Sanne de Wilde sont exposés à la Fisheye gallery à Paris, du 4 novembre 2022 au 7 janvier 2023.

Famille avec des jumeaux
© Fisheye gallery
Femme portant ses jumeaux
© Fisheye gallery

Sur la terre des jumeaux·elles

Au cœur de cette terre de jumeaux·elles, Igbo-Ora (au sud-ouest du Nigeria) marque le point d’ancrage du récit visuel et esthétique imaginé par les deux photographes, qui révèle la culture yoruba et son attachement aux jumeaux·elles.

Femmes portant des bébés
© Fisheye gallery

« Nous pensons que les « Ibeji » portent bonheur. Iels représentent la fertilité et apportent l’amour. Iels sont une bénédiction pour la famille. Une fois que vous avez des jumeaux·elles, les gens croient que de plus en plus de bonnes choses viendront à vous. Les jumeaux·elles sont également lié·es à l’esprit du singe, et plus particulièrement au singe Edun. Ces singes donnent toujours naissance à des jumeaux·elles, ce qui en fait un symbole pour les « Ibeji », Nike Davies Okundaye, artiste et designer yoruba.

© Fisheye gallery
© Fisheye gallery

Dans les croyances yoruba, chaque être humain a une contrepartie spirituelle, un double esprit à naître. Dans le cas des jumeaux·elles, le double spirituel est né sur la terre et se doit d’être choyé.

Jumeaux
© Fisheye gallery
Jumeaux
© Fisheye gallery

Un projet de femmes en tandem

Heureux hasard ou soupçon d’ironie, ce sont deux femmes photographes au physique remarquablement similaire qui sont à l’initiative de ce projet itinérant à travers ces contrées « Ibeji » — qui signifie « double naissance » et « les deux inséparables » en yoruba. Grâce à leur objectif, les deux regards capturent le réel en y ajoutant l’immatériel et l’imperceptible, c’est-à-dire toute l’aura qui entoure les couples de jumeaux·elles. Pour mettre en évidence le « magique » et le « surnaturel » et pour visualiser ce qui ne se voit pas, deux filtres de couleur ont été utilisés dans certaines images, amplifiant la dualité du duo de photographes : deux individus, deux identités pour deux perceptions colorées de façon différente. Les couleurs symbolisent des croyances contradictoires : le violet pour le spirituel et céleste et rouge pour le terrestre. Les deux photographes Bénédicte Kurzen et Sanne de Wilde étendent ainsi leur regard au-delà de l’apparence – avec des outils de symétrie et de ressemblance – pour ouvrir une réflexion sur la gémellité et filer une métaphore puissante : la dualité au sein de l’être humain et la dualité que nous expérimentons dans le monde qui nous entoure.

L’exposition « Land of Ibeji » est visible à la Fisheye gallery à Paris, du 4 novembre 2022 au 7 janvier 2023.

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