LA PSYCHOGÉNÉALOGIE : TU CONNAIS ?

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« Arrête ça tout de suite, on dirait ta mère », « Y’a pas de doute, c’est son grand-père tout craché !». Depuis notre naissance, nous ne cessons d’entendre ce genre de remarques. Alors que petits, nous n’y prêtions pas forcément attention, ces formules prennent tout leur sens à l’âge adulte. Combien de fois avons-nous eu l’impression d’agir comme aurait pu le faire notre mère ou notre grand-père ? D’après la psychogénéalogie, c’est tout sauf un hasard. Vous pensiez être l’unique maître de votre destin ? Raté ! Selon cette méthode psychanalytique, les événements vécus par nos aïeux auraient une résonance avec nos propres problèmes et pourraient expliquer certains de nos comportements. 

Depuis quelques années, l’intérêt pour nos origines familiales est en hausse. Repères identitaires brouillés, schémas familiaux bouleversés, aujourd’hui, c’est 70 % des Français qui souhaitent retrouver leurs racines (selon le sondage Les Français et la généalogie, réalisé par OpinionWay pour Filae). Au cœur de cette mouvance, une discipline gagne en popularité : la psychogénéalogie. Aussi appelée l’analyse transgénérationnelle, la psychogénéalogie consiste à travailler sur notre arbre généalogique afin de découvrir les éventuels blessures, traumatismes, secrets de famille et autres non-dits vécus par nos ancêtres qui, transmis depuis des générations, nous empêchent d’aller mieux. L’étude de l’arbre généalogique permet alors de comprendre le problème, de réparer le traumatisme transmis et d’éviter sa répétition. 

S’intéresser à sa famille et à son passé afin d’apprendre à mieux se connaître. Cela semble évident, mais c’est un exercice difficile, parfois douloureux, que la plupart d’entre nous préfèrent ignorer ou remettre à plus tard. Pourtant, pour les psychothérapeutes, il s’agit d’une étape nécessaire pour couper le cordon et laisser de côté ce qui, de notre histoire familiale, ne nous appartient pas et briderait notre liberté ou pire, déclencherait des maladies physiques ou mentales. « Nous traînons des valises qui ne nous appartiennent pas et n’en sommes pas toujours conscients. En travaillant sur l’arbre généalogique, nous pouvons nous libérer de ces bagages inutiles que nous portons comme des fardeaux », explique Annie Chouard, thérapeute en psychogénéalogie.


Transmission d’une mémoire familiale

Parce qu’il est difficile d’imaginer qu’un événement, qui a eu lieu des centaines d’années auparavant, peut nous affecter nous, des siècles plus tard, il est important de comprendre que tout se joue au niveau de la mémoire familiale. « La mémoire familiale, c’est comme la génétique, c’est inscrit dans nos cellules », explique Annie Chouard. Si Sigmund Freud avait déjà évoqué la possibilité d’une « âme collective » pour tenter d’expliquer la transmission de l’inconscient d’une personne à l’inconscient d’une autre personne, c’est Carl Jung qui a théorisé le concept « d’inconscient collectif » et de « loyauté familiale entre les générations ». Mais le terme « psychogénéalogie », c’est à la psychothérapeute Anne Ancelin Schützenberger qu’on le doit. C’est elle qui a mis en évidence l’existence des « loyautés familiales inconscientes et invisibles », qui entraînent des répétitions dans une même famille.

C’est en 1982 que l’intuition de ces transmissions familiales transgénérationnelles lui est venue pour la première fois, lorsqu’elle a rencontré une jeune femme atteinte d’un cancer, âgée de seulement 35 ans, dont la mère était morte prématurément à cet âge. Afin de confirmer son intuition, Anne Ancelin a travaillé pendant des années auprès de malades atteints d’un cancer et s’est mise à chercher dans leur histoire familiale une éventuelle « répétition » jusqu’à constater que leur cancer s’était pour la plupart déclaré exactement à l’âge où un de leurs ancêtres était décédé. Par la suite, Anne Ancelin a également étudié des familles où les accidents de la route se répétaient eux aussi de génération en génération, au même âge ou à la même période significative (jour du baccalauréat, jour de la rentrée des classes…). Elle parle alors de « syndrome d’anniversaire ».

Des syndromes d’anniversaire, Annie Chouard en découvre régulièrement. « J’ai rencontré cette femme qui avait déclenché depuis quelques mois une alopécie en plaques (une pelade). Elle avait 50 ans et n’avait jamais eu ce genre de problème. Elle ne comprenait pas comment, soudainement, elle perdait ses cheveux. En travaillant sur son arbre généalogique, j’ai relevé un événement important : sa maman était décédée à l’âge de 50 ans d’une tumeur du cerveau. Elle avait été opérée et, de ce fait, avait dû avoir le crâne rasé. Cette jeune femme a déclenché au même âge que sa mère, à la même période de l’année, une maladie liée à la tête, et s’est retrouvée sans cheveux, comme sa maman. L’inconscient détient une bonne mémoire et va venir marquer les événements importants du cycle de vie par répétitions de date ou d’âge. » Autre exemple de syndrome d’anniversaire dont se souvient Annie Chouard : cet homme qui, à chaque départ en vacances, se retrouve immobilisé à cause d’une chute, d’un accident physique ou d’une maladie, et doit annuler son départ. « Quand j’ai rencontré cet homme, la répétition de ce schéma intervenait pour la cinquième fois. En travaillant sur l’arbre, j’ai pu constater qu’un ancêtre avait dû partir à la guerre prétextant qu’il partait en voyage afin de ne pas inquiéter sa famille. La mémoire qui est restée sur l’un des membres de sa descendance, c’est que partir en voyage = mort = non-retour. Inconsciemment, il interrompait à chaque fois son départ en raison de cette mémoire afin de se protéger lui-même. » 


Ouvrir la boîte de Pandore

Dans le but de clarifier toutes les coïncidences de dates et d’âges chez les membres d’une même famille et de déceler d’éventuels « syndromes d’anniversaire », Anne Ancelin Schützenberger a créé le génosociogramme, un arbre généalogique constitué de tous les faits marquants et événements importants, heureux ou malheureux (mariages, naissances, séparations, maladies, déménagements), relevés sur plusieurs générations. Autant dire que si vous décidez de vous lancer dans votre génosociogramme, il va falloir être prêt à investiguer ! Obtenir des informations auprès de sa famille ou de l’état civil comme les dates de naissance et de décès, ce n’est pas ce qu’il y a de plus compliqué, mais tirer les vers du nez à vos parents ou grands-parents sur des sujets tabous, c’est parfois mission impossible ! Si par chance, vous obtenez des informations, vous serez sans doute quelque peu chamboulé. « Quand on veut travailler sur son histoire généalogique, il faut être préparé. On ne s’attend souvent pas à ce que ça remue autant ! », insiste Annie Chouard. « Aux termes de l’enquête, certains découvrent parfois des cas d’alcoolisme, d’inceste, de viol ou de suicide. Ce n’est pas facile à admettre. »

Une fois votre génosociogramme rempli et les grands événements mis en lumière, il ne vous reste plus qu’à formuler la problématique que vous souhaitez résoudre. Même si, bien sûr, vous pouvez également ne pas avoir de demande spécifique et consulter simplement dans le cadre d’un développement personnel. « Des femmes viennent me voir parce qu’elles en ont marre de tomber systématiquement sur des hommes violents ou alcooliques. Certaines parce qu’elles n’arrivent pas à avoir d’enfants. D’autres parce qu’elles ne parviennent pas à garder un travail. Ensemble, en regardant leur arbre, on va essayer de comprendre pourquoi et chercher des événements marquants dans le passé. Par exemple, une femme qui se sentirait incapable d’avancer au travail ou dans sa vie sentimentale aura certainement un cas d’IVG dans ses ancêtres. Et même si son ancêtre était certaine de sa décision et ne l’a pas regretté une seconde, en psychogénéalogie, l’IVG est un événement bloquant pour les générations suivantes, qui ressentent des blocages dans leur vie », explique Annie Chouard.


La quête du mieux-être

Intégrer les informations reçues, c’est une chose, se soigner en est une autre. Si certains psychologues intègrent cet outil dans leur pratique, la psychogénéalogie ne doit pas être assimilée à une psychothérapie. « Quand vous avez pris connaissance de votre arbre, déjà, c’est apaisant. Vous obtenez des premières réponses à vos questions et donc, automatiquement, vous vous sentez mieux », explique Annie Chouard.

L’écueil ? Tomber dans le déterminisme et le fatalisme et considérer que chacune de ses actions n’est autre que le résultat du comportement d’un ancêtre. La psychogénéalogie n’est qu’une des nombreuses pistes à explorer vers votre quête du mieux-être. À vous de croire (ou non) aux coïncidences et au hasard, et de choisir d’aller aussi loin (ou non) dans l’introspection !

Pour retrouver le travail d’Annie Chouard et prendre contact avec elle (nous, on l’a fait, et on valide !), c’est ici : lalignedutemps.com

 

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