AGATHE BONITZER, L’INTERVIEW PAULETTE

A 30 ans, l’actrice Agathe Bonitzer, avec ses longs cheveux blonds vénitiens et son regard doux, a su s’imposer dans le paysage du cinéma français pour des rôles souvent intellectuels, particuliers, émouvants. Son style bien à elle a séduit les plus grands réalisateurs et réalisatrices, pour une jeune femme qui a connu le cinéma dès son plus jeune âge, née dans une famille de cinéastes et de cinéphiles. Aux Arcs Film Festival, elle est jury dans la section Courts Métrages, et c’est dans le village des Arcs 1950 que nous avons pris le temps de discuter cinéma, série Netflix, défi d’une jeune actrice et… Zola.

Par Stéphanie Chermont, depuis les Arcs.

Hello Agathe, tu es dans le jury Courts Métrages des Arcs Film Festival, qu’est-ce que ce format représente pour toi ?

J’ai l’impression que le court métrage a de plus en plus de poids en fait. Peut-être plus qu’il y a dix ans. J’ai le sentiment que les ponts sont plus poreux entre longs formats, moyens et courts. On voit revenir aussi des séances de films précédés de courts métrages, comme dans des programmes Arte ou même sur Air France ! C’est bon signe.

Tu n’as jamais réalisé de court métrage mais y penses-tu ?

J’ai toujours pensé que je ne voudrais pas réaliser, de manière générale. Je suis peut-être moins catégorique ces derniers temps mais je pense plus à une forme documentaire ou quelque chose de très personnel. Là c’est vrai que j’ai travaillé sur des trucs récemment qui me donnaient envie de faire un film ou écrire un livre, mais non, j’ai jamais écrit de scénario de court métrage. En tant qu’actrice, je crois que j’aimerais en faire un peu plus. Quand l’écriture me plaît, que le réalisateur ou la réalisatrice m’intéresse, j’y vais, peu importe la forme. J’en ai tourné un quand même cette année. C’est pas encore sorti, il est en fin de montage. C’est un film de Sophie Beaulieu qui s’appelle “La femme de mon oncle” pour le moment.

Peux-tu nous raconter tes débuts au cinéma ?

J’ai commencé très très jeune. C’est marrant parce que j’ai débuté avec une forme courte quelque part. Le premier truc que j’ai joué devant une caméra, j’avais quatre ans. C’était une sorte de spot publicitaire pour la prévention du Sida dans les années 90, réalisé par Benoît Jacquot. Mais bon, c’était pour la télévision. Sinon, après, j’ai commencé à tourner adolescente et pour moi c’était mon milieu en fait, le cinéma, avec mes parents, ma tante Hélène Fillières, j’ai vraiment grandi dans cet univers donc c’était quelque chose de très naturel pour moi. 

Cela n’a jamais été un poids ?

Si, quand on veut être acteur ou actrice et que l’on est fille de réalisateur, qu’on a un “nom” entre guillemets… C’est particulier. En fait, quand on est hors de cet univers, on a un sentiment d’illégitimité, et puis quand on est au coeur du truc depuis la naissance on a aussi un sentiment d’illégitimité parce que finalement on se dit bah oui tout était facile. Il faut un peu convaincre, montrer qu’on est pas forcément la fille de… Maintenant ça va, je n’ai plus ce complexe on va dire. Voilà mes débuts au cinéma. 

Qu’as-tu pensé cette année de toutes les discussions autour des femmes et du cinéma ? L’après #MeToo, etc…

Moi je pense que c’est bien de parler. Après, je crois qu’il faut aussi bien garder à l’esprit que c’est du cas par cas malgré tout. Il faut bien réfléchir, chaque histoire est différente, chaque situation est indépendante, les scandales ne doivent pas tous se réunir en un seul gros truc. Par contre, je pense que c’est très bien de dire les choses et je pense que c’est bien pour tout le monde. Effectivement, dans le cinéma on va beaucoup plus facilement dire quelque chose ou se rendre compte que quelque chose n’est pas normal alors que bon avant, on se disait si personne ne dit rien, et bien c’est moi qui suis folle. Il faut faire attention au côté bouc émissaire, à la trop grosse médiatisation et aux raccourcis quoi.

« On met du temps à se trouver, à se comprendre, parfois on fait des trucs et on se demande pourquoi on a fait ça. Je ne parle pas vraiment des rôles mais plutôt des photos, des castings où tu ne t’es pas bien faite traiter et après tu ne te sens pas bien ».

Agathe Bonitzer

Tu te sens engagée ? 

Non, je ne me suis pas exprimée. Heureusement, je n’ai jamais eu à faire des choses destructrices. Alors oui c’est sûr qu’entre copines artistes et tout ça on peut se raconter des anecdotes et c’est vrai que maintenant on se les raconte plus volontier que peut-être il y a quatre ou cinq ans. Mais sinon non, ce n’est pas trop mon style de m’exprimer en mon nom. Je suis un peu réservée. Et puis pour le coup je ne me sens pas légitime, je ne saurais pas utiliser les bons arguments. Il faut vraiment bien connaître son sujet, avoir un avis très précis pour pouvoir étayer. Mais je me sens concernée et engagée en général. Mais c’est vrai que je ne suis pas du genre à monter sur la place publique quoi.

C’est intéressant de se dire qu’entre actrices vous vous parlez plus facilement. Y a un truc de soutien, de sororité.

Oui, entre actrices et acteurs d’ailleurs ! Parce qu’il ne faut pas croire mais il y a aussi des jeunes acteurs qui vivent des trucs durs… Et même des techniciennes, techniciens… Et évidemment pas que dans le milieu du cinéma, mais bon, en l’occurence, c’est le milieu dans lequel j’évolue.

Est-ce que tu aurais un conseil à donner aux jeunes acteurs, jeunes actrices qui veulent se lancer ?

Mon conseil, c’est qu’il ne faut pas avoir peur d’être qui on est. Cela prend du temps, quand on est très jeune, on ne sait pas bien encore. Mais il faut passer ce cap et assumer sa personnalité.

Tu as eu peur au début toi ?

Je n’avais pas peur mais c’est vrai qu’on met du temps à se trouver, à se comprendre, parfois on fait des trucs où l’on se demande pourquoi on a fait ça. Je ne parle pas vraiment des rôles mais des photos, des castings où tu ne t’es pas bien faite traiter et après tu ne te sens pas bien. Je pense aussi que c’est bien de parler et puis il faut se dire que finalement c’est comme dans tous les métiers quoi. Il faut y aller pas à pas, il ne faut pas se décourager. Je pense aussi que c’est bien de lire et de voir des films.

Tu as tourné avec des grands réalisateurs, pour Netflix aussi… Vers quoi tu te diriges maintenant ? Est-ce qu’il y a des domaines que tu aimerais explorer ? 

En tant que spectatrice, j’adore les comédies et je serais tout à fait ok pour faire des grosses comédies populaires tant que je ne juge pas ça vulgaire ou nuisible. En général, je fais ce qu’on me propose, je ne fais pas un écrémage de fou. Mais je ne veux pas rester dans ma zone de confort. Justement, cette série Netflix « Osmosis », c’était très nouveau pour moi. De participer à une grosse machine, de faire une série… Là je vais jouer une policière, donc ça va me changer un peu ! Dans un film de Frédéric Vidot qui s’appelle “Selon la police”.

En ce moment, quel livre recommanderais-tu ?

Je viens de lire Au bonheur des dames de Zola. J’avais lu d’autres Zola, mais celui là je l’ai dévoré ! C’est ambigu, à la fois très misogyne et très féministe. Et je l’ai vraiment lu comme quand on est accro à une série. C’est hyper moderne, comment le capitalisme des grands magasins bouffe les petits commerces. Il est fasciné par ça, c’est beau, c’est pas seulement une critique, c’est la description d’une admiration. Je recommande. 

Plus sérieusement, tu es venue pour la raclette aux Arcs ?

Pas vraiment, je n’aime pas le fromage fondu, donc c’est raté (rires)… La montagne, ce n’est pas mon milieu naturel. Mais j’étais déjà venue tourner ici, aux Arcs, pour La Belle et la Belle. Donc je me repère bien ! Ça me rappelle de très bons souvenirs.

Les Arcs Film Festival s’est déroulé du 14 au 21 décembre 2019.
Le 
jury
, présidé par le réalisateur Guillaume Nicloux, accompagné de Santiago Amigorena (scénariste, producteur, auteur), Mélanie De Basio (musicienne), Nina Hoss (comédienne), Atiq Rahimi (réalisateur, auteur) et Antoine Reinartz (comédien) a décerné 6 prix.
La Flèche de Cristal, a été remise à ATLANTIS réalisé par Valentyn Vasyanovych en partenariat avec France Télévisions. Dotation d’une valeur de 20 000€ pour une campagne digitale en preroll sur le site de France Télévisions, dédiée à la promotion du film dès sa sortie en France.

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